Thème 1 : les défis de l'immensité en Chine

Roi Yu, mythique fondateur de la dynastie des Xia, en 2000 avant JC. Il aurait inventé l'irrigation et le contrôle des fleuves avec la construction de digues. Il a ensuite été divinisé et fait partie de la religion taoïste en tant que Dieu des eaux. Il serait également le premier à avoir cartographié le territoire chinois, à avoir établi les points cardinaux la forme carrée du monde. Chine = centre des terres habitées, au milieu des terres barbares.
Territoire immense. Décrire ce pays continent ; maîtriser la terre et maîtriser les hommes.

I- Un pays continent
1. Un dispositif topographique : un amphithéâtre chinois ouvert sur le Pacifique.
2. Chine aride, Chine humide.
3. Risques naturels et environnementaux.

II- Pour une géographie du temps long : une civilisation hydraulique
1. Les fleuves et leur contrôle : la "tyrannie hydraulique" (F Braudel)
2. La maîtrise hydraulique : enjeux géopolitiques, géoéconomiques et géostratégiques

III- Le cadre politique
1. Un pouvoir centralisé, un pays unifié ?
2. Les cadres de l'aménagement.
3. Les "trois Chines" : toujours une réalité ?

I- Un pays continent
1. Le dispositif topographique : un amphithéâtre chinois ouvert sur le Pacifique.

La Chine est l'espace de tous les records. Elle est un peu plus grande que les Etats-Unis, avec 9,5 millions de km², 5500 km du nord au sud et 5500 km d'est en ouest. Elle présente un littoral gigantesque, de plus de 18 000 km de côtes, en comptant les îles (5400). Elle partage des frontières avec 14 pays différents, ce qui n'est pas sans conséquences économiques et géopolitiques.

Elle comprend quatre grands domaines géographiques.
- Chine des "18 provinces", à l'est, qui recouvre la moitié du territoire et comprend 95% de sa population.
- Mongolie Intérieure : morceau de l'empire mongol.
- Xinjiang : extrémité ouest du pays, morceau de l'Asie centrale.
- Tibet : sud-ouest, territoire à part également.
Ces trois dernières parties sont administrativement des régions autonomes, qui regroupent l'essentiel des minorités ethniques.

En termes de relief et de géographie, le territoire est divisé en trois.
- Tibet, altitudes les plus élevés : plateau entre 4 000 et 5 000 mètres d'altitude, dominé par l'Himalaya. Espace très important en tant que château d'eau de l'Asie du sud-est. Les fleuves très importants y prennent leur source (Brahmapoutre, Yangzi, Mékong, Salouen) et constituent un moyen de pression.
- Territoires plus bas, entre 1 000 et 2 000 mètres. Série de plateaux ; [Xinjiang, loess.] ; zones plus basses, comme le Sichuan ; désert du Takla-Malan, au Xinjiang. Ces zones contrastées, plus ou moins propices à l'installation humaine, constituent la majeure partie de l'espace chinois.
- Chine littorale, espace de collines, bien plus facile à mettre en valeur. Grandes plaines littorales.

2. Chine aride, Chine humide.

isohyète = ligne imaginaire sur une carte météorologique reliant des points d'égales quantités de précipitations tombées en une période déterminée.
Si on a une zone aride ou très aride pour moins de 200 mm/an de pluie, le Xinjiang, une bonne partie de la Mongolie et le nord du Tibet y figurent.
- Désert du Takla-Makan : moins de 25 mm de pluie par an. (Le Takla-Makan est un désert de pierres. Paysage de steppes sans végétation, exceptée basse avec quelques herbes.)
- Portion du territoire intermédiaire, peu étendue : semi-aride. La steppe devient un peu herbeuse. Entre 200 et 400 mm/an. Le pastoralisme peut s'y développer.
- Partie est et sud-est : isohyète supérieur à 400. Pas de manque d'eau, mais le territoire est toujours relativement contrasté. La partie sud connaît la mousson (= pluies diluviennes qui tombent une partie de l'année). Grande différence avec la Chine du nord, plus sèche et plus froide.

Productions :
Chine du Nord : blé, sorgho, soja. Grands espaces.
Chine du sud : riz, forêts tropicales, thé, mûriers qui servent à produire de la soie. Les grandes variations de débit des fleuves rendent le contrôle de ceux-ci indispensable.

Le gradient thermique montre des températures contrastées :
- Harbin : -23 degrés en hiver, +28 en été
- Canton : 13 degrés en hiver, +26 en été
En effet, Harbin subit la descente de l'air froid qui vient de l'Arctique, alors que Canton est proche des zones tropicales.

On peut mesurer les différences par le gradient nord-sud mais aussi par l'altitude.
Toute la partie sud-est ne connaît quasiment jamais le gel, à l'inverse du reste du territoire : une ville comme Canton comptabilise moins de 3 jours de gel par an, contre 200 dans le Xinjiang et pour les endroits les plus froids.

3. Risques naturels et environnementaux.

Risques naturels.
• Première catégorie : séismes. La plaque philippine glisse sous la plaque européenne, et la plaque indienne pose problème également. Au XXème siècle, on a constaté 20 séismes supérieurs à une magnitude de 6.
• Deuxième catégorie : les risques liés au climat, sécheresses et inondations catastrophiques. Ce sont les fléaux les plus fréquents, ils ont lieu tous les ans ou presque, et parfois sur plusieurs périodes dans la même année, puisqu'ils sont liés aux données climatiques. La zone sud est exposée à des typhons (= cyclone en Asie) réguliers, surtout entre juillet et septembre, parce qu'elle est tropicale.

Risques liés à l'environnement.
• Déboisement. La forêt ne couvre que des espaces restreints (moins de 12%). Le défrichement de terres pour la culture a amené à des déboisements massifs, surtout dans le sud-est de la Chine, là où se trouvaient autrefois des forêts luxuriantes.
• Avec le réchauffement climatique, les glaciers au Tibet fondent.
• Désertification : avancée du désert sur les espaces steppiques, surtout au Takla-Makan mais également en Mongolie Intérieure.
• Pollution liée aux activités humaines. La pollution atmosphérique (rejet des industries, emploi du charbon comme combustible) qui crée des pluies acides fait des villes chinoises les plus polluées au monde et cause la mort de centaines de milliers de Chinois, 4000 par jour d'après l'OMS (= Organisation Mondiale de la Santé). De plus, la propagation dans l'eau par les sols et les rivières, et les rejets directement dans les rivières représentent 30 milliers de litres chaque année. De nouvelles lois ont été crées, mais du fait de la priorité accordée au développement économique, les pollueurs disposent d'une certaine impunité.

II- Pour une géographie du temps long : une civilisation hydraulique.

Onze fleuves majeurs irriguent naturellement le territoire. Le réseau hydrographique est divisé en deux parties : endoréique (= les fleuves ne se jettent pas dans la mer mais alimentent d'autres rivières ou lacs), c'est-à-dire 1/3 du réseau, et exoréique (= l'eau finit à la mer).

1. Les fleuves et leur contrôle : la "tyrannie hydraulique" (F. Braudel)

Le contrôle des fleuves est une contrainte importante, il est primordial. La plupart des fleuves qui naissent dans l'Himalaya et le Tibet sont à l'origine du développement des pays dans lesquels ils coulent.
Les premiers travaux d'endiguement datent de plus de 4 000 ans et la construction du Grand Canal, pour détourner l'eau des fleuves vers Pékin, remonte au Vème siècle. C'est la plus ancienne rivière artificielle du monde.
Premier fleuve : le Huanghe. Plus de 5 600 km de long. Son bassin hydrographique (= fleuve + tous ses affluents) représente une France et demie. Il s'appelle fleuve jaune à cause de ses sédiments (loess) qui fertilisent les régions où il passe. A chaque décrue, le lit du fleuve s'exhausse d'environ dix centimètres, d'où le besoin urgent de consolider les digues.
Deuxième très grand fleuve de Chine : Yang Tsé, le fleuve bleu. Plus de 6 400 km de long. Il fait la transition entre la Chine du nord et la Chine du sud. C'est sur lui qu'a été construit le barrage le plus grand du monde, le barrage des Trois-Gorges, dans les années 2000, qui fournit 10% de l'électricité du pays ; il a nécessité d'inonder des territoires immenses, et donc de procéder à des déplacements de population très importants. Les sédiments remplissent le barrage et exercent une pression très importante. Le barrage risque de céder et de noyer 75 millions de personnes. Il faudrait le curer, mais c'est un problème pour les ingénieurs : faut-il consolider, ou créer des dérivations ?

La maîtrise du cours des fleuves est une préoccupation importante. Au cours de la saison des pluies, les fleuves subissent des crues immenses, ce qui cause des problèmes de sécurité. Du temps de Mao, l'idée a été évoquée d'une rivière artificielle du sud vers le nord, le PAESN (= Projet d'adduction d'eau sud-nord) : relier le fleuve jaune au fleuve bleu. Aujourd'hui, du fait de l'irrigation et de la pompe par les villes, les fleuves connaissent parfois un quasi-assèchement à certaines périodes, et certaines années, le fleuve jaune n'atteint plus la mer.

2. La maîtrise hydraulique : enjeux géopolitiques, géoéconomiques et géostratégiques.

A cause de ses fleuves, la Chine est en tension avec quasiment tous ses voisins.

Le Tibet représente pour elle une zone stratégique : La Chine peut utiliser l'eau pour faire pression sur les Etats au sud de son territoire. Le Mékong, notamment, artère de communication, source de richesses, qui peut être utilisé à des fins touristiques, est indispensable pour les pays en aval de la Chine ; or, la Chine a construit une série de barrages, qui réduisent son débit. Les pays concernés ont peur des sécheresses, surtout depuis qu'ils sont touchés par le réchauffement climatique, sans parler de la pollution depuis l'amont par les villes chinoises. Le Brahmapoutre, qui coule en Inde, pose le même problème. Des tensions règnent entre la Chine et l'Inde depuis longtemps, notamment à cause de litiges frontaliers, et si le conflit s'envenimait, les Chinois pourraient couper l'eau du Brahmapoutre (difficile mais peut-être possible), ou, plus probablement, libérer de grandes quantités d'eau qui noieraient les territoires. La vallée de la Salouen connaît des problèmes semblables avec la Birmanie.

Au nord de la Chine, le fleuve Amur, frontière avec la Russie, est source de tensions de territoire. La Russie accuse les industries du charbon chinoises de polluer l'Amur.

L'Irtysh, qui part vers le nord, est lui aussi jalonné de barrages. Ce sont les Républiques d'Asie centrale, régions désertiques, qui en dépendent.

III- Le cadre politique
a. Un pouvoir centralisé, un pays unifié ?

Dans un pays aussi énorme, la seule manière de créer une unité, même artificielle, c'est l'organisation politique. La RPC est un Etat unitaire et pas un Etat fédéral : aucune partie de la Chine ne peut faire sécession, elle est une et unique.
Dans la Constitution de la République populaire de Chine, le régime politique se définit comme un "Etat socialiste de dictature démocratique populaire". Alliance entre agriculteurs et ouvriers. Le PCC est toujours le seul autorisé, il tient réellement le pouvoir : c'est lors du Congrès national du Parti communiste chinois que sont prises les décisions importantes, ou plutôt lors de sa préparation. Les institutions du pouvoir central, les organes sont tous contrôlés par le parti communiste.

• Conseil des Affaires de l'Etat : organe le plus important. En font partie le président, les ministres, ainsi que les conseillers. Le président est puissant quand il s'entend bien avec le PC. Or le président actuel, Xi Jinping, est aussi le secrétaire du PC, sans compter qu'il est également président de la Commission militaire centrale, c'est-à-dire l'armée : il a tout en main.
• L'Assemblée populaire nationale, APN (également traduite Assemblée nationale populaire) est composée de 3 000 députés désignés (donc pas élus) tous les 5 ans. Leur pouvoir quasiment nul, ils ne sont là que pour donner l'impression que le système est démocratique.

Maillage administratif au niveau de chaque province, et de chaque district à l'intérieur des provinces, ainsi que des municipalités. On vérifie à chaque étage que rien ne va à l'encontre du Parti Communiste, même si la contestation, quand elle a lieu, vient de plus en plus par en bas. Le contrôle est à la fois politique et par le parti. Les provinces "autonomes" ne le sont que de nom. Le pouvoir se présente comme légitime.

2. Les cadres de l'aménagement.

Le pouvoir politique est là pour aménager le territoire. Il a pour objectif de créer un territoire uni, quitte à créer cette unité par la force.
Le Tibet en est un bon exemple. On a construit une ligne de chemin de fer jusqu'à la capitale du Tibet, Lhassa, et toute une partie de la ligne se trouve à 4 000 km d'altitude. Le trajet Lhassa-Pékin dure 48h.
Raisons économiques : le Tibet contient de nombreuses ressources et peut être exploité pour le tourisme. En conséquence, entre les années 90 et 2015, le nombre de visiteurs a été multiplié par 10, passant d'un million à dix millions.
Raisons géopolitiques : la Chine a conscience que le Tibet est un réservoir de richesses minérales, comme le cuivre, et un réservoir hydrographique. Mais le Tibet est peuplé par les Tibétains, pas par des Chinois. C'est en l'intégrant économiquement qu'on souhaite casser les velléités d'indépendance du Tibet, rattaché de force à la Chine par Mao dans les années 50. Ces aménagements sont voulus par l'Etat, pour développer le Tibet, mais aussi pour répondre au défi du développement chinois.

On veut un territoire puissant, cohérent. Il faut donc faire en sorte de développer d'autres régions que le littoral. Les collectivités territoriales sont utilisées pour gommer les différences entre villes et campagnes.

3. Les "trois Chines" : toujours une réalité ?

On a l'impression de trois morceaux : le littoral (essentiel de la population et des richesses), la zone intérieure (qui fonctionne d'une manière plus ralentie) et la Chine de l'ouest (en marge).

Chine de l'Est : 14% du territoire mais 50% de la population, 60% du PIB et 80% des investissements étrangers en Chine.
Grand ouest : 10% de la population dans 60% du territoire, avec 8% du PIB et 2% des investissements étrangers.

Cependant, cette lecture est aujourd'hui artificielle. Des développements importants ont eu lieu depuis les années 90, par une politique d'aménagement est-ouest, le long du Yang Tsé : infrastructures de transport, subventions pour désenclaver. On veut transformer les zones de l'ouest en pôles économiques, recréer les routes de la soie du Moyen-âge, d'où des axes de transport pour les réserves de pétrole de l'Asie centrale.

Conclusion

Les trois Chine aujourd'hui sont celles du continent (maîtrise de la population, etc), de l'océan (enjeux géopolitiques) et de l'espace (maîtrise des télécommunications, des problèmes climatiques).