Thème 5 : les cercles de la géopolitique chinoise

La Chine est avant tout une puissance économique. Mais cette puissance économique sert de ciment à sa puissance géopolitique : elle lui a permis de tisser des liens, et lui donne l'ambition d'être la locomotive de l'Asie. Le contexte actuel est favorable à la Chine : le monde est multipolaire, les USA n'ont plus la capacité d'être cette hyperpuissance, ils sont embourbés au Moyen-orient (problème dont la Chine est tout à fait absente, ne s'impliquant dans aucun conflit, ne se prenant pas pour un nouveau gendarme du monde.) Sa puissance n'a pas vraiment de concurrent en Asie, ce qui risque d'être la cause de crises, ses intérêts étant en contradiction avec ceux de ses voisins. Raymond Aron : la puissance est une capacité quadruple : faire, faire faire (-> influence), empêcher de faire (-> coercition), refuser de faire (indépendance). Un pays qui peut s'affirmer pour ces quatre points est une grande puissance.
Comment la Chine maîtrise-t-elle, utilise-t-elle sa puissance ? Quelles en sont les limites ? Que veut-elle en faire ?

I- Maîtriser le territoire de l'intérieur
1. La question des marges frontalières au cœur des politiques de l'État central
•a. La sinisation continue des marges territoriales.
•b. La colonisation : la création de tuntian.
2. Le programme de développement du Grand Ouest (PDGO) : intégrer par le développement
•a. L'arrimage par les transports.
•b. La question énergétique.
•c. Bilan : quel type de développement ?
3. L'unité au défi des revendications autonomistes
•a. La "question ouïghoure"
•b. Une réponse : l'Organisation de Coopération de Shanghai ?

II- Délimiter la Chine : litiges territoriaux externes subsistants et maritimes ?
1. La délimitation terrestre : une situation complexe
•a. Une majorité de frontières fixées.
•b. Frontières disputées, frontières exportées.
•c. Frontière en suspens, frontière non reconnue.
2. Essor d'une puissance maritime : la maritimisation de la géostratégie chinoise
•a. Politique maritime de la Chine : la mer, un vecteur de puissance.
•b. Mer Jaune : espace maritime convoité pour le poisson et le pétrole.
•c. Mer de Chine orientale : des îles cristallisant un conflit de puissance.
•d. Mer de Chine méridionale : une mer chinoise ?
3. Le cyberespace : nouvelle frontière

III- Les voies de l'intégration asiatique et la Greater China
1. Le développement des régions frontalières : l'intégration de périphéries extérieures
•a. Intégrer l'Asie centrale : une priorité économique.
•b. Intégrer la Sibérie : une opportunité.
2. Les objectifs économiques de la "diplomatie du pourtour"
3. La réintégration de Hong Kong et Macao
•a. Hong Kong : l'intégration forcée d'un dragon.
•b. La réintégration de Macao : les défis de la dépendance au jeu.

I- Maîtriser le territoire de l'intérieur

Un État ne peut pas être puissant s'il n'est pas capable de maîtriser son propre territoire. Pour le gouvernement chinois, ça signifie s'assurer que le territoire est contrôlé dans son intégralité -> sécuriser et équilibrer. Le gouvernement veut maintenir l'unité entre les parties de la population.
Deux outils : la police populaire (= sorte de police paramilitaire proche de la gendarmerie française) de 600 000 personnes et la milice populaire (= à temps partiel : ils ont un autre métier et viennent parfois suppléer pour assurer l'ordre) avec 10 millions de membres.

1. La question des marges frontalières au coeur des politiques de l'État central.

Les Han représentent 92% de la population. Les 55 minorités occupent les parties ouest et nord de la Chine. La façon de concevoir les minorités repose sur deux traditions : stalinienne (sa propre langue, son propre système) et évolutionniste (raciste : les Moso sont encore au stade primitif, les Han sont les plus évolués).

a. La sinisation continue des marges territoriales.

Petit à petit, le gouvernement a fait en sorte que dans les zones de minorités la population han devienne prépondérante (80% de la Mongolie Intérieure, 45% du Tibet contre 5% lors de sa conquête en 1951). La Chine met les Han dans les postes à pouvoir.
Exemple du Tibet. Il a été conquis en 1951, ce qui a suscité une révolte en 1959, réprimée. Le dalaï-lama a dû s'exiler en Inde et est interdit de retour en Chine. Arrestations, mises à mort, destructions de temples pour mater toute velléité de rébellion.
La Chine comprend qu'elle doit l'intégrer. Ça passe notamment par l'économie : investissements au Tibet, dans les transports, dans le tourisme, dans les exploitations minières. Les tibétains ne sont que des employés dans la plupart de ces activités. Les Han sont les patrons, et ont les premières places dans la justice (par exemple), ils sont les principaux fonctionnaires.

b. La colonisation : la création de tuntian.

Tuntian = colonie agricole. Ce n'est pas le gouvernement communiste qui les a inventées : elles datent du Moyen-âge. Elles sont chargées de peupler et de mettre en valeur des territoires nouvellement conquis. Elles permettent de donner des terres aux paysans qui n'en avaient pas, d'augmenter les productions de la Chine (+ bénéfices fiscaux.)
L'idée a été reprise au XXème siècle. On a proposé à des soldats démobilisés de peupler et de devenir paysans dans ces espaces à mettre en valeur. Ça a été le cas en Mongolie, notamment. On l'a reliée au reste du territoire et l'a transformée en région agricole (colza, betterave, lin, agriculture industrielle).
La Chine arrime ces territoires.

2. Le programme de développement du Grand Ouest (PDGO) : intégrer par le développement

Politique voulue par l'État pour convaincre les minorités que leur intérêt est lié à la Chine.

a. L'arrimage par les transports.

On a d'abord développé le chemin de fer, moyen de transport le plus adapté à un pays de la taille d'un continent et au transport de produits. Série de travaux qui relient toutes les grandes villes du Xinjiang : Kashgar (capitale), Aksu, Kucha, Lorla, Turtan, Komul... Les routes permettent de traverses des espaces (désert du Taklamakan) auparavant contournés.
Ce désenclavement peut être vécu de manière positive mais aussi agressive : pillage des ressources du Xinjiang par les Han, manière de faire venir toujours plus de Han, transformation du paysage perçue comme une dégradation.

b. La question énergétique.

Cruciale aujourd'hui. La croissance chinoise est particulièrement forte depuis les années 1990 et la demande intérieure continue à augmenter, pour les industries. D'ici 2020, la demande énergétique devrait augmenter de 200%. Depuis 2013, la Chine est premier importateur mondial de pétrole. Elle est dépendante d'autres pays pour son approvisionnement, qu'elle doit sécuriser. La Chine a besoin entre autres des ressources naturelles du Xinjiang et de l'eau (hydroélectricité) du Tibet.
Le pétrole, lui, appartient au Moyen-Orient et à l'Asie centrale (anciennes républiques de l'URSS). La Chine construit oléoducs et gazoducs en partenariat avec ces territoires. Le Xinjiang est donc la porte d'entrée de tous ces hydrocarbures : elle devient capitale, centrale dans la perspective de rester/ devenir une grande puissance. Les villes gagnent une place nouvelle, stratégique. De même, en Mongolie Intérieure, on essaye de créer des liens avec la Mongolie et avec la Russie. + Nouvelles routes de la soie.
Mais ces territoires vont-ils bénéficier très positivement de ces changements ? vont-ils en profiter, ou voir passer les richesses entre les mains des Han ?

c. Bilan : quel type de développement ?

Les provinces du grand ouest étaient les plus pauvres de Chine dans les années 1990 : PIB 3 à 4 fois moins élevé. Elles ont rattrapé leur retard et se trouvent aujourd'hui en tête, grâce aux investissements étatiques.
Les choses ne sont pas aussi positives. Les inégalités sont extrêmement fortes à l'intérieur même du Xinjiang : niveau de vie en ville 3 à 4 fois plus fort que celui dans les campagnes. La population ouïghoure a un niveau de vie 3 fois inférieur à celui des Han (ceux-ci se trouvent surtout dans les zones urbanisées).
Unité du territoire : oui. Unité des populations : non, peut-être même aggravation.

3. L'unité au défi des revendications autonomistes
a. La "question ouïghoure".

Le Tibet a toujours eu des difficultés parce qu'il a été indépendant au cours de l'Histoire. Le Xinjiang, lui, n'a été indépendant que dans une toute petite partie de l'Histoire, entre 1944 et 1949, en tant que Seconde République du Turkestan oriental. Aujourd'hui, il pose beaucoup de problèmes.
1991 : fin, éclatement du communisme. Les États d'Asie centrale ne sont plus sous la férule de la Russie et les ouïghours se mettent à rêver eux aussi d'indépendance, particulièrement en voyant le comportement et les privilèges de Hans. Les idées indépendantistes reçoivent un écho favorable des populations locales. L'État les étouffe, jusqu'aux émeutes de 2009, dont la répression est extrêmement violente, ce qui radicalise une partie de la population. S'y ajoute la montée du fondamentalisme islamiste en Asie centrale, par exemple au Pakistan et en Afghanistan. Une partie des ouïghours se laisse séduire, ce qui aggrave les fractures. -> déstabilisation du territoire, des relations avec les pays musulmans. Pékin rappelle les principes du marxisme en interdisant à la jeunesse de manifester des pratiques religieuses, de porter tout signe ostentatoire religieux (barbe, vêtement, voile), en fermant les écoles coraniques et en affirmant la présence de la police (arrestations). Cela s'accorde plus ou moins avec l'idéologie anti-religieuse de la Chine, qui cependant marquait une tolérance depuis les années 1980.
La question n'est pas vraiment réglée. Des attentats ont été commis par des fondamentalistes ouïghours. Le gouvernement masque la dimension religieuse pour se concentrer sur la dimension indépendantiste (condamnation par l'accusation de vouloir briser l'unité chinoise).

b. Une réponse : l'Organisation de Coopération de Shanghai ?

Depuis les années 1990, la Chine lutte contre le "séparatisme ethnique". Cette lutte passe par des actions en Chine mais aussi concertées avec ses voisins. 1996 : traité d'organisation de coopération de Shanghai (Chine, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan). Ces pays ont conscience que le fondamentalisme islamiste peut déstabiliser leur territoire. -> lutte contre les séparatistes de chaque côté des frontières, contre les trafics de drogues et d'armes.
Grâce aux accords, il devient bien plus difficile pour les ouïghours d'échapper à la Chine en passant de l'autre côté de la frontière. Les petites républiques centrales y voient des intérêts. Les ouïghours expatriés ne peuvent plus manifester leur soutien aux séparatistes sans être poursuivis comme en Chine. Les républiques d'Asie centrale sont prises entre d'un côté la Chine et de l'autre la Russie.

II- Délimiter la Chine : frontières terrestres, maritimes et litiges territoriaux
1. La délimitation terrestre : une situation complexe

La Chine est voisine de 15 pays différents, avec qui elle entretient des relations cordiales, tendues voire à la limite du conflit.
Avec certains, les frontières ne posent plus de problèmes.

a. Une majorité de frontières fixées.

Aujourd'hui, l'immense majorité des frontières chinoises est fixée (80% de 22 000 km de frontières). Certain n'ont pas posé de problèmes, car il s'agissait de celles de l'Empire chinois.
Fin de l'URSS -> détente des tensions avec la Russie et les autres pays communistes. Frontière avec le Vietnam : guerre entre la Chine et lui dans les années 1970, et les frontières n'avaient pas été fixées depuis. Les deux pays signent enfin un traité en 1999. Région transfrontalière sino-vietnamienne. + frontières de l'ouest de la Chine : Russie, Kazakhstan, Kirghizistan. La Chine n'a toujours pas accepté les frontières qui lui ont été imposées au XIXème siècle, et les négociations se passent rapidement. La Chine obtient des territoires stratégiques de glaciers en signant des traités économiques avantageux pour ces pays. La Chine peut faire reconnaître ces limites internationalement.

b. Frontières disputées, frontières exportés.

• Morceaux de frontières encore sources de tensions entre la Chine et l'Inde : région du Cachemire tout à l'ouest (les Indiens reprochent à la Chine de s'être emparée d'un morceau de territoire indien dans les années 1950, l'Aksai-Chin) et d'un morceau du Tibet. D'après l'Inde, la Chine devrait reconnaître la ligne McMahon de 1913 tracée par les européens, qui donnent un bout du Tibet à l'Inde.
Ces deux problèmes sont ignorés. Ni l'un ni l'autre ne veut changer de position. Aucun des deux ne souhaite une confrontation militaire (deux armées puissantes, + Agni III en Inde, missile destiné à atteindre n'importe quelle ville de Chine). On ne parle pas de choses qui fâchent car on ne peut arriver à un accord. La Chine pourrait être coulante sur l'Aksai Chin, mais laisser un morceau du Tibet à l'Inde serait un précédent et une erreur géopolitique majeure (le dalaï-lama pourrait s'y réfugier et entamer une révolte).

• Frontières exportées, particularité chinoise. La Chine pense qu'il faut contrecarrer les ambitions indiennes. Elle encercle l'Inde. Stratégie du collier de perles : la Chine implante des bases régulièrement pour garantir/sécuriser ses implantations. Elle contrecarre les velléités de l'Inde de faire la même chose. Elle négocie des facilités avec des ports de l'Océan Indien. Elle s'appuie sur des pays en désaccord avec l'Inde : Bangladesh, Sri Lanka, Pakistan. Présence chinoise extraterritoriale, autant de perles qui lui permettent de revendiquer une place dans l'Océan Indien.

c. Frontière en suspens, frontière non reconnue.

• Frontière en suspens : Chine/Corée du nord. La Chine est le premier soutien économique et politique de la Corée du nord. Elle est cependant embarrassée par les essais nucléaires de la Corée du nord. Sanctions, mais non appliquées. Les flux économiques continuent. Les relation compliquées expliquent que la frontière ne soit pas établie. La Chine ne veut pas d'une réunification des deux pays (séparés depuis 1953) car elle ne veut pas d'un concurrent voire d'un ennemi à ses portes. Or la réunification risque d'arriver. Lorsque ça arrivera, la Chine et la Corée devront négocier.

• Frontière non reconnue : la situation de Taïwan. Jusqu'en 1949, il n'y avait pas de frontière entre les deux. Elle fait partie de la Chine depuis plusieurs siècles et est peuplée principalement de Hans. Mais les nationalistes se sont réfugiés à Taïwan (Formose) lors de leur défaite. La situation n'a pas été réglée. Pendant des dizaines d'années, le gouvernement de Taïwan était une dictature anti-communiste, ce qui permettait à la Chine de la critiquer. Mais Taïwan se démocratise nettement. La Chine multiplie les critiques, ce qui gêne le rapprochement souhaité et la réunification.
Taïwan n'est pas reconnue comme un État à part entière, mais elle ne fait pas partie de la Chine. Celle-ci a peur que Taïwan change de nom, de "république taïwanaise de Chine" pour un nom qui ne contienne plus le mot de Chine, qui marquerait la frontière. Pour la Chine, cette frontière est donc de l'autre côté de Taïwan. L'ONU ne reconnaît pas Taïwan, mais a tracé deux ZEE différentes, en pointillés, pour signifier que la frontière n'est pas reconnue.
Mais dans les faits, la frontière existe, de manière commerciale et douanière. ex : dans l'acceptation de la Chine dans l'OMC.

2. La maritimisation de la géostratégie chinoise.
a. La mer, vecteur de puissance pour la Chine.

Région littorale : poumon économique du pays. Elle ne représente que 15% du territoire mais 50% de la population, 2/3 du PIB, 2/3 des IDE, 9/10 des exportations. Chine : premier constructeur naval mondial depuis (??) devant la Corée du Sud. Concurrence les armateurs et les ports européens. Aujourd'hui, la Chine est tournée vers la mer, qui constitue un espace stratégique pour sa géopolitique.
Tensions concernant sa ZEE avec ses voisins. Tensions concernant l'appropriation des petites îles.
Attachées à deux tronçons de la route circumterrestre -> porter une très grande attention à la mer.
Trois espaces où elle voudrait exercer son influence : sa ZEE, les pays de la façade asiatique qui débouchent sur le Pacifique, et tout le Pacifique jusqu'à Hawai et l'Australie.
-> développement militaire d'une marine puissante : augmentation du nombre et de la puissance de feu des bâtiments. Deuxième budget militaire au monde et meilleure marine asiatique. Objectifs nouveaux :
- Neutralisation potentielle de la marine de Taïwan (et donc de celle des USA)
- Libre accès maritime garanti aux porte-conteneurs chinois (import-export)
Pour les accomplir -> bases militaires stratégiques. Hainan lui permet d'accéder à la mer de Chine. Bases des USA en Corée du Sud, au Japon, dans les Philippines + accords avec le Viet Nam, la Malaisie. La Chine doit pouvoir se défendre. La Chine est menaçante, mais elle prône une "diplomatie harmonieuse" basée sur les échanges, la coopération. Elle veut une image de puissance bienfaisante, contradictoire avec ses actions :
- La Chine a demandé à l'ONU de revoir les limites de sa ZEE -> litiges virulents avec ses voisins.
- Diplomatie des sous-marins. Pour faire respecter ses intérêts, elle en fait construire beaucoup. Ilots -> labyrinthe sous-marin -> facile de se cacher, de surveiller les allées et venues de ses voisins. Inquiète beaucoup.
- Théorie du collier de perles : accaparement illégal d'îles en mer de Chine, construction de bases militaires pour surveiller et exercer sa souveraineté.
Elle veut affirmer un leadership, mais impose une hégémonie, régionale sinon mondiale.

b. Mer Jaune : espace maritime convoité pour le poisson et le pétrole.

Frontières en pointillés du fait de la séparation des deux Corée, qui changera si elles s'unifient. Espace incertain. Riche en ressources halieutiques et pétrole.
Les différents pays s'entendent en ce qui concerne les ressources halieutiques pour la Mer Jaune. Accord.
Ce n'est pas le cas du pétrole. Mais la Corée du Nord ne peut faire que de la prospection, et le Japon n'est pas en concurrence (pas d'hydrocarbures dans la zone qu'il pourrait revendiquer). Quant aux sud-coréens, la Chine et eux ne veulent pas risquer des conflits en délimitant des frontières maritimes, les choses sont donc laissées en l'état.

c. La mer de Chine orientale : des îles cristallisant un conflit de puissance.

Conflit Chine/Japon sur les îles Senkaku. Il n'y a rien dessus, mais leur ZEE est intéressante. Champs d'hydrocarbures très riches. Les territoires revendiqués se chevauchent. La Chine évoque le plateau continental (-> Montego Bay) et le Japon argue que le îles lui appartiennent depuis des siècles. Manifestations nationalistes. Les USA soutiennent le Japon (bases à Okinawa, et entre Nagasaki et Kagoshima).

d. La mer de Chine méridionale : une mer chinoise ?

Tensions Chine/Viet Nam avec les îles Paracels, et Chine/Viet Nam/Malaisie/Brunei/Philippines avec les îles Spratleys.
Chine -> arguments littéraires. XII-XIIIème siècles : textes de navigateurs affirmant qu'ils les ont découvertes et annexées. Les autres pays le font aussi et on ne peut pas savoir qui dit vrai, qui a l'antériorité. Hydrocarbures (arguments économiques) + arguments stratégiques : maîtriser, contrôler les routes maritimes.
Toponymie. Chaque fois, on fait référence à la Chine. Elle utilise ce fait pour revendiquer les mers : prolongement naturel, par définition. (Mais "mer de Chine méridionale" n'est pas reconnu par tout le monde. Le Viet Nam l'appelle "mer du Viet nam".)


Conclusion : frontières maritimes -> lieu de conflits. Beaucoup d'ambitions, qu'elle veut transformer en réalités.

3. Le cyberespace : une nouvelle frontière

Réseau de communication internet, aujourd'hui soumis à la censure et à la propagande : savant mélange de technologie de pointe et de moyens d'oppression classiques (arrestations, procès) pour ceux qui critiquent le système. Le gouvernement contrôle la distribution de la connectivité (donc Internet) à l'échelle du territoire, des villes, des quartiers. Technologies pour filtrer sur les sites d'informations : "muraille de Chine de l'Internet". Le gouvernement a le moyen de savoir qui sont les utilisateurs d'internet, il contrôle les cybercafés, il force les moteurs de recherche à coopérer en pouvant les ralentir ou les couper.
Plus complexe en réalité. En 2005, il y avait 130 millions d'internautes. En 2015, il y en avait 750 millions. Changement de stratégie : on n'empêche pas les critiques, mais on empêche à une opposition de se structurer. Les utilisateurs trouvent es parades. Ils n'ont pas le droit de parler de la place Tiananmen (blocage des mots dans les moteurs de recherche). Détournements des photos avec des gros canards jaunes remplaçant des chars. Mais la main-mise sur l'éducation comble l'imperfection de la censure.
La Chine protège ses frontières internet, mais franchit celles des autres pays. Cyberattaques, cyberguerres. On mène des guerres asymétriques, un hacker contre un pays. La Chine est régulièrement accusée d'espionnage (entreprises -> espionnage industriel organisé à grande échelle) et de cyberattaques multipliées sur les pays avec qui elle est en tension (notamment ses voisins). Montrer qu'elle pourrait régulièrement attaquer, menacer + cartographier les points faibles de ses voisins. Pour la Chine, Internet est un territoire sur lequel un pays doit affirmer sa supériorité. Pour les autres, il ne devrait y avoir aucune frontière.

III- Les voies de l'intégration asiatique et la greater China

"La grande Chine" : RPC + Hong Kong + Macao + Taiwan + toutes les îles de la mer de Chine : tous les territoires qu'elle revendique comme "historiquement chinois". Terme utilisé sur les marchés financier (Hong Kong, Macao, etc, associés à la Chine).

1. Le développement des régions frontalières : l'intégration des périphéries extérieures
a. Intégrer l'Asie centrale : une priorité économique.

Les pays d'Asie centrale réputés peu intéressants acquièrent une importance toute nouvelle pour la Chine. Raison : énorme besoin d'énergie. Contrôler, s'assurer une sécurité énergétique. La Chine investit massivement.
- Kazakhstan. Entre le milieu des années 2000 et celui des années 2010 : construction conjointe d'un gigantesque oléoduc entre les deux pays. 22 accords différents pour des infrastructures (qui relèvent de 30 milliards de dollars). Sécurisation énergétique.
- Kirghizistan. Même chose. Contrat pour construire un chemin de fer moderne (Kazakhstan/Kirghizstan/Ouzbékistan/Chine). Pont ferroviaire entre la Chine et les portes de l'Europe (après le Kazakhstan ->Russie occidentale). Macro-région eurasiatique, nouveau pôle du monde, pivot de l'économie mondiale. Projet vaste au bénéfice de l'économie chinoise. L'Organisation de Coopération de Shanghai n'est plus seulement politique mais aussi économique (infrastructures de transport).
Ces territoires qui n'intéressaient pas la Chine pendant la guerre froide (ils appartenaient à l'URSS) ont un nouvel intérêt.

b. Intégrer la Sibérie : une opportunité.

Frontière importante avec la Russie. La Sibérie a longtemps été une zone tampon porteuse de peu d'intérêt. Province du Heilongjiang (= fleuve Amur). La Chine étend sa frontière de manière nette de l'autre côté du fleuve de l'Amur. 1990 : les relations entre la Chine et la Russie sont pacifiées. La frontière s'ouvre. Les Chinois viennent en Russie, pour des raisons différentes d'il y a quelques années (besoin de main-d’œuvre autrefois, investissements aujourd'hui). Avant, les Russes ont eu l'occasion de quitter l'extrême-est, ce qui a causé une immigration chinoise (légale puisque les frontières sont ouvertes). Aujourd'hui : 80% de population chinoise. Les Russes le cachent pour éviter de reconnaître cette sorte de colonisation. Villes jumelles de chaque côté de l'Amur avec des ponts. He Wenan a investi dans Blagnecht chensk (centres commerciaux, hôpital...). Développement d'un racisme antichinois dans l'extrême-orient russe. Musée à Manzhouli pour chanter les louanges des relations sino-russes.

2. Les objectifs économiques de la "diplomatie du pourtour"

Expansionnisme non militaire mais économique. Puissance nationale, puissance régionale qui veut tous les territoires alentours dans sa sphère d'influence. Elle veut que cette diplomatie renforce sa centralité dans l'Asie. Elle se veut responsable, conciliatrice. Elle approfondit ses liens avec tous ses voisins. L'économie est au centre de cette diplomatie du pourtour. A chaque accord, on renforce, on donne de la réalité à cette influence régionale. Rénovation de l'appareil militaire. De plus en plus inquiétante pour les pays de l'ASEAN mais même pour les pays qui ont eu des relations moins compliquées avec la Chine (Asie centrale...). La présence économique chinois n'est-elle pas une perte d'influence ? On s'interroge sur l'impérialisme (influence sur un territoire sans conquête militaire) chinois.
Cette influence régionale n'est-elle que régionale ? Elle pousse plus loin ses ambitions impérialistes : vers l'Afrique. "Chinafrique". Grandit sa sphère d'influence sur des pays en développement.

3. La réintégration de Hong Kong et Macao

Indispensable à son affirmation comme "Greater China".

a. Hong Kong : l'intégration forcée d'un dragon.

Rétrocédée à la Chine par le Royaume-Uni en 1997 (elle la possédait approximativement depuis 1840). Aujourd'hui : région administrative spéciale, fonctionnement politique différent du reste de la Chine. Autonomie. Directeur de l'exécutif. Parlement, élections libres avec plusieurs partis. La Chine veut la réintégrer, mais ça reste partiel. Révolution des parapluies. 1997, la Chine : "un pays, deux systèmes". Les deux systèmes convergent.
La Chine voulait imposer les candidats de Hong Kong.
Hong Kong : extrêmement libéral (pas de TVA/ impôts sur la richesse, ...) Développement des services bancaires, nœud de la finance. Commerce Chine/Hong Kong. Tourisme.
Rapprochement : suppression des barrières tarifaires entre Hong Kong et le continent, des handicaps des produits chinois. Facilités pour les investissements d'Hong Kong en Chine.
Qu'est Hong Kong ? Peu clair au niveau international. Non indépendant. A part de la Chine dans les institutions internationales comme l'OMC. Statut particulier dans le G20 (??).
La Chine préfère ne pas fusionner les systèmes et profiter de la puissance d'Hong Kong, mais elle arrime physiquement Hong Kong au continent. Aéroport au niveau du delta de la rivière des perles. Ports secondaires sur la côte. Lignes ferroviaires (navettes journalières vers les villes alentour comme Shenzhen, car migrations pendulaires). + Grand pont tunnel en cours vers Macao, de plus de 50 km de long. Terminé vers fin 2017.

b. La réintégration de Macao : les défis de la dépendance au jeu.

Rétrocédé par le Portugal en 1999. Région administrative spéciale. Répond aussi à "un pays, deux systèmes". Toute son économie tourne autour de l'industrie du jeu (interdit en Chine depuis (??)). 650 000 habitants. En 2009 : sept fois le chiffre d'affaires de Las Vegas. 35 casinos. Font vivre la restauration, le tourisme. 30 millions de visiteurs chaque année. Boom économique.
Problématique pour la Chine (interdiction). Au bénéfice de la Chine, mais à l'encontre des principes du gouvernement. Décisions contre Macao : max 5 jours de résidence pour les touristes. Problème : lieu de blanchiment d'argent pour les mafias. But : mieux gérer sans tuer la poule aux œufs d'or.

Conclusion.

S'imposer comme une grande puissance mais de manière rassurante, dit-elle : "développement pacifique". Affirme des liens gagnant-gagnant, mais elle pense à ses propres intérêts et le fera par la force s'il le faut. Le consensus de Pékin : un modèle à suivre ? Il faut référence au consensus de Washington (années 90). Des économistes américains ont déclaré que le modèle chinois voulait lui faire concurrence. Approche chinoise néo-libérale, libérale mais réinterprétée par la Chine (le gouvernement reste important, réformes progressives). Modèle de Pékin positif : il a marché. Séduit les autres pays car non-ingérence de la Chine. La Chine a bien compris que ça lui donnait une influence supplémentaire (soft power). Exploite cette idée : en 2014 est fondée la banque asiatique d'investissement (BAI) doit financer des projets de développement en Asie mais pas seulement. La Chine se présente non plus seulement comme l'atelier du monde, mais aussi comme le banquier du monde.