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Carthage, premier chapitre.

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Message par Lucy Austen Ven 17 Mar - 0:07

I- La fondation de Carthage, ville prospère d'Afrique du Nord
1. Aux origines de l'Afrique du Nord
a. L'Afrique du Nord : un espace compartimenté et cloisonné.

Relief : l'Afrique du Nord est encadrée par un quadrilatère montagneux. (Rif, Anti-atlas, Atlas tellien, Aurès)
Carte du relief nord-africain:
Rareté des voies naturelles de circulation, et donc difficulté de maintenir une unité dans l'espace nord-africain.
Il y a peu de bons sites portuaires sur ce littoral. On trouve les meilleurs en Tunisie ; c'est ainsi que Carthage a pu supplanter les fondations précédentes.
Influence de différents climats. (atlantique, méditerranéen, saharien) De grandes différences entre le littoral et les terres.
Des problèmes de pluviométrie, entre des sécheresses et des pluies abondantes. Les cités qui parviennent à établir leur puissance sont celles qui sont capables de se montrer des greniers pour les autres.
Territoire : zones steppiques/désertiques mais aussi forêts importantes (-> chantiers navals, construction).


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Lucy Austen

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Message par Lucy Austen Ven 17 Mar - 9:42

b. Les hommes : Libyens, africains, berbères ?

-> Quel nom ?
Hérodote, Histoires, -Vème siècle : l'Afrique du nord est peuplée par des hommes de race Libyenne divisés en de nombreuses peuplades, ainsi que par des Phéniciens et des Grecs. Il fait donc la distinction entre autochtones et immigrés.

xxxDésignationApparition du motEtymologieOccurrences
LibyenToute ou partie de l'Afrique du nordIer millénaire avant JCMot punique LBT LBY- historiographie latine comme grecque
- stèles puniques
- La La Genèse : ex : hommes combattant dans l'armée de Pharaon
- hiéroglyphes égyptiens : habitants de l'ouest du Nil
AfricainToute ou partie de l'Afrique du nordIIIème siècle avant JC. "Africa" devient particulièrement courant après la destruction de Carthage.- Afer, Africa.
- apricus, a, um : qui aime le soleil
- Ifricos, héros arabe originaire du Yémen (Livre des exemples, écrit par Ibn Khaldoun, XIVème siècle)
Mot davantage présent chez les auteurs latins
BerbèrePeuples africains restés en dehors de la civilisation romainePlus récent que les deux autresxxxxxx


-> Quel peuple ?
L'explication de leur genèse diffère selon les auteurs.

• Salluste (époque : -Ier, Ier siècles): une migration de Mèdes, Perses et Arméniens, qui se seraient mélangés aux Libyens et aux Gétules. Il se trompe (il oublie les Phéniciens et les confond avec des peuples plus orientaux) mais sa vision des choses est intéressante. Il donne le mot nomade pour étymologie de Numide, Mède pour Maure.

• Procope (époque : Vème, VIièmes siècles) : deux vagues successives d'immigration en provenance de Phénicie (rien n'est moins sûr), dont Didon représenterait la seconde. Il compare l'invasion à celle des Vandales, plus proche de son époque. Il fait référence également à Jésus fils de Navé (Josué, héritier de Moïse, dont l'histoire est racontée dans le Livre de Josué dans la Bible avec la conquête de l'espace de Canaan).

Lucy Austen

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Message par Lucy Austen Mer 22 Mar - 21:03

2. L'expansion phénicienne dans l'Antiquité
a. Les Phéniciens, le peuple de la mer

On ne parle pas de "royaume de Phénicie" : la Phénicie est une juxtaposition de cités indépendantes les unes des autres, avec chacune leur propre chora, malgré une certaine parenté. Il n'y a pas d'administration centralisée. Le nom de Phénicie n'est employé que par les étrangers. Les Phéniciens se considèrent comme habitants de Tyr, de Byblos, de Sidon.

La puissance maritime phénicienne est attestée depuis longtemps. Dans la Bible (Livre des rois), on mentionne un certain roi Hiram de Tyr, qui aurait passé un accord avec le roi Salomon : tous les trois ans, un convoi Tyrien se rendait dans la ville de Tarshish et en revenait chargé d'or et d'ivoire. Aujourd'hui encore, on parle de navires de Tarshish pour désigner des navires au long cours.
Les points de repère stellaires font parfois directement référence à la Phénicie, comme la stella phenicia dans la petite Ourse.
Dans son Histoire des Phéniciens, Philon de Byblos (Ier siècle) mentionne encore la légende de Ousos, qui se serait accroché à un arbre pour fuir lorsqu'un incendie a ravagé une forêt de Tyr. Les mythes de fondation incorporent la navigation à l'ADN de la nation phénicienne. Cette information, qui découle apparemment de sources primaires phéniciennes, est apparemment fiable d'après les les fouilles de Ougarit (près de Cattaguié).
Dans l'Odyssée, Homère présente des marins cupides et voraces.
Dans ses Histoires, Hérodote fait mention d'une mission qui aurait été confiée à Tyr par le pharaon Néchao (attesté du -VIIème siècle) : celle de faire le tour de l'Afrique, en commençant par la mer Erythrée et en finissant par le détroit de Gibraltar. Un périple qui aurait pris trois ans : même s'il ne s'agit très probablement que de mythe, et de même que pour Tarshish, ces anecdotes révèlent la foi de ses contemporains dans l'expertise phénicienne.
Des informations iconographiques confirment cette réputation, notamment des bas-reliefs, comme ceux du Palais de Khorsabad en Irak.

Les Phéniciens utilisent principalement deux types de vaisseaux.
- Le Gaulos : à fond plat, large, lent, stable. Il mesure 18-25m sur 8m et peut transporter 450 tonnes de marchandises.
- L'Hippos : effilé, symétrique, avec une tête de cheval pour éperonner, fait pour le combat.

Expansion commerciale. Ils naviguent dans toute la Méditerranée, avec une route principale le long des côtes africaines, en cabotage, et des excroissances vers Chypre, la Crète, la Sicile, la Sardaigne. L'ensemble forme une boucle, qu'ils peuvent prendre dans un sens ou dans l'autre. Ils exportent de l'or, de l'ivoire, mais aussi du cèdre du Liban, et de métaux précieux venus d'Espagne (actuelle Andalousie) et de Sicile. Marché de produits de luxe.

Grandeur et décadence. Du fait de la disparition de certains empires (Hittite) et de l'affaiblissement de certains autres (Egypte), Tyr gagne en puissance. Son apogée a lieu du -Xème siècle au -VIIIème siècle ; là, elle n'a plus de concurrence. Ensuite, l'empire Assyrien (actuel Irak) en déclin reprend de la vigueur, à la fin du -IXème siècle mais surtout au -VIIIème siècle. Sidon tombe, une partie du territoire continental de Tyr est capturée. L'affaiblissement de la métropole permet aux colonies de s'affirmer. La Méditerranée occidentale prend le relai.

Les principales métropoles sont Tyr et Byblos. On identifie deux vagues de fondation des colonies : une orientale, datée fin -IXè début -VIIIè siècles, qui commence par Kition, et une plus occidentale, vers le -VIème siècle, avec la Sicile, la Sardaigne et notamment Nora ; Gadès et Lixus après les colonnes d'Hercule, et d'autres encore plus au sud. Tyr est à la recherche de sites portuaires, en tout cas plus connectés à la mer qu'à la terre ; insulaires, mais aussi péninsules, promontoires. Ils bénéficient de protection naturelle (montagnes, collines).

La fondation de Carthage est fixée à l'an -814, soit 38 ans avant la première Olympiade. Cette date est celle donnée par Timée de Taormine. Des doutes subsistent cependant : certains la placent en -825, d'autres encore au -XIIIème siècle, soit 50 ans avant la guerre de Troie. Elle est à la tête du verrou méditerranéen. Elle a été créée malgré la proximité d'Utique, à 30 km, en raison de l'ensablement de celle-ci. Carthage est destinée à surpasser Utique et à être un port puissant.

Lucy Austen

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Message par Lucy Austen Lun 27 Mar - 1:38

b. La fondation de Carthage : mythe, histoire et traces.

Le plus connu est le mythe d'Elissa. Un mythe alternatif se présente cependant, raconté par Philistos de Syracuse et par Eudoxe de Cnide, datés du -IVème siècle, qui met en scène Azôros (nom qui vient du mot pierre, rocher, roc en phénicien et est lié à Tyr) et Carchédon (= ville nouvelle : même racine sémitique que Carthage), durant la fin du -XIIIè siècle.

Mythe d'Elissa, raconté par Timée de Taormine (daté de : fin -IVème, début -IIIème siècles) dans l'Histoire des Grecs de l'ouest. On n'a plus la source primaire, seulement la synthèse réalisée par Justin de la traduction par Trogue-Pompée des travaux de Timée. Le mythe date sans doute du -IVème siècle, à l'époque où Carthage puissante voulait revendiquer des origines prestigieuses. Oïkiste = chef de l'expédition et responsable de la fondation. Conte étiologique = qui donne des causes à un phénomène.
A la mort du roi de Tyr Mattan Ier (Mutto), son fils Pygmalion prend le pouvoir. Pygmalion tue Acherbas, le mari de sa soeur Elissa et leur oncle à tous deux, pour mettre la main sur le trésor qu'il possède en tant que prêtre de Melqart. Elissa, craignant pour sa vie, fuit Tyr avec des senatores. Lorsqu'elle s'arrête à Chypre, elle emmène avec elle 80 prostituées sacrées (= vierges consacrées). On note que le problème d'assurer la descendance est également rencontré par Rome, avec l'épisode de l'enlèvement des Sabines.
Elle débarque en Afrique et se lie d'amitié avec les peuples déjà présents : l'Afrique du nord était déjà dotée de structures politiques. Mais lorsqu'elle demande un territoire pour elle et ses compagnons, on n'accepte de lui vendre que le terrain qu'elle pourra recouvrir de la peau d'un boeuf. Elle applique la ruse qui fait sa renommée : elle découpe la peau de boeuf en fines lanières, et les place de manière à obtenir un emplacement bien plus grand que ce qu'on attendait d'elle. Ce territoire est censé correspondre à la colline de Byrsa (qui signifie boeuf).
Avant de s'installer, ils ont creusé le sol et trouvé une tête de cheval, symbole d'un peuple combattant, conquérant (rappelle les navires Phéniciens ; on le retrouve dans la numismatique ; monture royale par excellence, avec les éléphants pour les Carthaginois). Juste avant, ils étaient tombés sur la tête d'un boeuf, mauvais présage. La contradiction entre le caractère positif de la peau et le caractère négatif de la tête n'est qu'apparente. En effet, la tête de boeuf trouvée en terre est la trace d'un ancien sacrifice : dès lors, elle devient taboue.
Avec les notables desquels elle s'est entourée en partant, elle dispose d'une structure socio-politique. Avec le prêtre et les objets du culte (sacra herculis) qu'elle a emmenés, elle dispose d'une structure religieuse, d'une légitimité religieuse. Elle fonde une ville, pas un comptoir. De plus, elle ne s'incorpore pas à un territoire déjà existant.
Carthage (Qrthdst) signifie ville nouvelle, référence partagée avec Carthagène en Espagne. Elle se trouve sur le littoral qui correspond pour nous à la Tunisie, à proximité d'Utique qui s'ensable, et à proximité également de la région ibérique, d'où l'établissement de plusieurs colonies. C'est une base sûre au milieu de la Méditerranée. Position géographique réfléchie, mûrement décidée ; on investit dans un lieu que l'on connaît.
La mort d'Elissa diffère selon les versions.
- Timée : le roi Hiarbas des Maxitani (territoire : Pagus Muxi) la demande en mariage. Déchirée entre la fidélité qu'elle doit à son mari et la protection qu'elle doit à son peuple, puisqu'un refus de sa part se solderait par une guerre, elle fait semblant d'accepter le mariage, demande trois mois de délai, et après s'être poignardée, se jette dans un bûcher organisé pour une cérémonie sacrificielle. Ainsi, elle parvient à concilier les deux.
- Virgile : dans l'Enéide, Enée fait la rencontre d'Elissa au moment où il aborde en Afrique, ce qui est tout à fait impossible si la fondation de Carthage a bien eu lien eu -814. Folle amoureuse de lui, elle se jette dans le feu de désespoir au moment où Enée repart.
On note que le suicide princier dans le feu est un motif relativement récurrent à Carthage, comme celui de la femme d'Asdrubal à la fin de la IIIème guerre punique.
Tyr sera le support d'autres histoires : Europa, enlevée par Zeus, cherchée par son frère Cadmos qui amène l'alphabet en Grèce.

L'intérêt de la fondation de Carthage est pluriel :
- Le mythe met en scène une femme, contrairement à la plupart des mythes de fondation. Elissa est appelée parfois "virago" par les auteurs romains : idée qu'elle usurpe son sexe.
- Comme c'est rarement le cas, la prise de pouvoir se fait par la ruse et non par les armes. Il permet aux Romains de démontrer les défauts qui appartiennent selon eux aux Carthaginois : la ruse en un sens plutôt péjoratif, la malignité.
- Il présente Carthage comme supérieure à Rome de par son antériorité chronologique, bien qu'elle lui soit inférieure de par sa féminité.

Le mythe de fondation donne à Carthage une image de ville tyrienne et de ville rebelle. D'ailleurs, Melqart qui est vénéré à Carthage était le dieu principal de Tyr ; ce n'est pas le cas à Carthage. Cependant, la délégation carthaginoise qui va chaque année à Tyr se rend au temple de Melqart. Elle est fille de Tyr, mais elle n'est pas Tyr.

Carthage a-t-elle bel et bien été fondée en -814 ? C'est ce qu'on considérera jusqu'à la découverte de nouvelles stèles. Les derniers vestiges archéologiques datent de -800 ; -750.

Carthage archaïque : -VIIIè, -VIIè, -VIè siècles. Le site est presque une presqu'île, qu'on peut facilement défendre mais aussi bloquer.
- Au nord et descendant vers l'ouest : ceinture funéraire, avec les nécropoles Douïmès et Dermech, qui entourent le noyau urbain. "Le monde figé des morts" (Lancel). Elles montrent une structure sociale complexe, hiérarchisée, et une influence orientale dans la façon de coucher les corps. Chambres funéraires très décorées, avec des éléments en plâtre (stuc). Elles donnent beaucoup d'indices sur le niveau de confort (doublage en bois précieux). Les tombes plus bas de gamme sont larges, profondes, à fond plat, en auge. (Des traces de décoration mais pas toujours.) On peut y déposer plusieurs "cercueils". Enfin, on a trouvé des excavations dans la pierre, pour placer un corps enveloppé (bois ? tissu ?).
- A l'est : artisanat.
- Au sud : zone dite de Salammbô, dédiée encore à l'artisanat.
- Tophet, aire sacrificielle à ciel ouvert. On y trouve des urnes funéraires, pas des vestiges monumentaux. Elle a été fouillée d'abord dans les années 1940 ; les travaux de Pierre Cintas sont très importants pour notre connaissance actuelle. Ils ont révélé six siècles de production sacrificielle, de la fondation de Carthage à sa destruction. Os d'enfants.

Des indices qui confirment l'existence de Carthage, ville nouvelle, fille de Tyr mais autonome par rapport à elle ; sa place commerciale a réussi à attirer une population libyenne, mais sans doute pas seulement. Justin parle d'une "foule d'homme qui convergent vers Carthage". Autres points de repère importants : Utique, Lixus, Hadrumète, Leptis Magna. Ils ont été fondés avant ou peu après Carthage, mais elle seule a pris des proportions aussi importantes.


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Message par Lucy Austen Lun 27 Mar - 13:52

II- La puissance carthaginoise (-VI; -IIIème siècles)
1. Un "empire" carthaginois
a. Installation en Méditerranée occidentale.

Carthage n'est pas en concurrence avec Tyr, ni avec les autres colonies. Les indices semblent témoigner d'un bon accueil, d'une coopération. On peut se demander si le bon accueil est le symptôme d'une mise sous tutelle d'une des deux villes par rapport à l'autre. Carthage aurait été fondée pour relayer Utique qui s'essoufflait : c'est le résultat, mais était-ce bien l'intention ?

Ne pas oublier la distinction entre Punique (= phénicien installé en Afrique du nord) et Carthaginois (=> sous-catégorie de l'espace punique).

Un "empire" avec guillemets parce qu'il n'a pas l'ampleur de Rome. Carthage est une métropole de bord de mer, une "tête sans corps", disent les historiens : un port sans hinterland, sans chôra. On peut la voir comme un navire tourné vers la Méditerranée. Comment Carthage arrive-t-elle à devenir le navire amiral de la Méditerranée ?
La mer est convoitée, notamment par les grecs. En effet, la Méditerranée occidentale est extrêmement fréquentée, par les marins d'Athènes, d'Asie mineure, du Péloponnèse, des îles Cyclades. Ils ont fondé des villes sur les îles, sur le littoral nord de la Méditerranée.

- Les Phéniciens ont essaimé dans une intention politique et économique. Double mouvement : (d'abord, se projeter le plus loin possible, pour établir une route commerciale influente ; ensuite, construire des stations intermédiaires).
- Les cités grecques, elles, s'orientent vers l'Italie centrale, l'Italie du sud et la Sicile. Le détroit de Messine (passage mer Tyrrhénienne - Méditerranée, entre l'Italie et la Sicile) et les petites îles, comme Elbe au large de la Toscane, sont également visés : la Grèce y a trouvé des ressources minières, comme du fer en Toscane, ou du cuivre. Volonté grecque de bloquer l'expansion punique, d'établir des barrières, vers l'est et vers le nord : dans la 2ème moitié du -VIIème siècle, des colons grecs venus de Théra, dans les îles Cyclades, viennent compléter le dispositif et s'établissent à Cyrène, sur une remontée de la côte africaine (golfe des deux-Syrtes) ; des colons grecs, de Phocée (Asie mineure) fondent Massalia, s'emparent dela basse vallée du Rhône. Ils disposent également de contacts sur la rive espagnole.
-> Comment Carthage gagne-t-elle en puissance dans ce carcan grec ?
- Carthage récupère une partie des anciennes colonies phéniciennes et fonde ses propres colonies en plus. Elle se substitue aux métropoles initiales lorsque les Phéniciens déclinent, au -VIème siècle. -573 : Tyr, assiégée par Nabuchodonosor, roi de Babylone, chute et passe sous son contrôle. Carthage fonde directement des sites : Carthagène, on en est sûr, mais toutes les villes ne font pas consensus. Ibiza (Ebessos)] est considérée comme une fondation carthaginoise très ancienne, vers -654, mais était peut-être déjà fondée par les phéniciens. Ibiza lui permet en tout cas d'établir une influence en Espagne. Îles stratégiques : Malte, tradition d'interface entre l'occident et l'orient, mais plutôt orientée vers l'orient, qui passe sous contrôle carthaginois à partir du -VIème siècle et jusqu'à sa prise par les Romains. Sans compter les micro-îles : Gozo, Lampedusa, Pantelleria, qui font partie de sa sphère d'influence, mais plutôt dans le domaine commercial. On peut également y établir des garnisons. Objectif : garder la main-mise sur la mer.
• Cas particulier de la Sardaigne. Garder la main-mise sur la mer c'est également éviter la piraterie, notamment au nord de la Corse. Bataille navale près d'Alalia, sur littoral oriental de la Corse : de -540 à -535. Les Carthaginois et les Etrusques s'allient contre les Phocéens et gagnent. Cette bataille est fondamentale : elle cantonne les colons grecs à Marseille, les prive de toute influence sur la Corse et sur la Sardaigne. Les deux vainqueurs se partagent les îles : la Corse aux Etrusques, la Sardaigne aux Carthaginois. Carthage s'impose non plus seulement sur le plan économique, mais également diplomatique. La Sardaigne constitue un verrou carthaginois dans la Méditerranée. Les implantations phéniciennes en Sardaigne sont anciennes (Tharros, Sulcis). Une expédition carthaginoise avait tenté d'affirmer la position de la Sardaigne : celle du "roi" Malchus, entre -556 et -550. L'expédition est une déroute, aboutit à une crise politique et à un coup d'Etat de Malchus, qui finit exécuté. L'échec est rattrapé par Magon le Grand (entre -550 et -530) et ses fils Asdrubal et Amilcar transforment ce qui était une sphère d'influence carthaginoise en un territoire carthaginois, imposent la force carthaginoise sur la Sardaigne, vont jusqu'à l'intérieur des terres. -> exploitation agricole, minerais, construction de places fortes carthaginoises.
• Cas particulier de la Sicile. La maîtrise de la Sardaigne n'y sera jamais atteinte. L'île est peuplée par des Sicules, Sicanes, Elymes. Elle est ponctuée de cités fondées par des Phéniciens et par des Grecs. C'est une île carrefour, une position fragile pour les Carthaginois puisqu'elle est convoitée par les Grecs. Malchus consolide les positions : l'influence n'est plus celle des anciens Phéniciens mais celle des nouveaux Puniques. Mais le pouvoir des tyrans, notamment dans certaines villes comme Géla, Agrigente et Syracuse, se développe au -Vème siècle et ensuite, et donne lieu à des anicroches ininterrompues entre Carthage et les tyrans.
-480 : bataille d'Himère, sur une journée. Il s'agit d'un conflit suscité par Gélon, tyran de Géla devenu tyran de Syracuse. Syracuse entre en guerre contre Carthage, affronte d'abord les tyrans proches de Carthage en Sicile, et s'approche du territoire contrôlé par elle. Carthage aurait rassemblé une armée énorme (200 vaisseaux de guerre, 300 000 hommes), pilotée par Amilcar, petit-fils de Magon, qui débouche sur la fameuse bataille d'Himère, sanglante défaite des Carthaginois par les Grecs de Sicile. Amilcar se jette dans un bûcher. Traité entre Carthage et Syracuse, qui permet à Carthage de garder ses positions mais l'oblige à payer d'énormes indemnités (2000 talents, environ 50 tonnes d'or pur). L'humiliation est énorme. La Sicile reste le talon d'Achille de Carthage, malgré les tentatives et les conflits.
-409 : Annibal (de la famille des Magonides) veut effacer le souvenir d'Himère ; il rase la ville et exécute 3000 prisonniers.
-407 : Amilcar et Imilcon ont pour objectif d'affronter Agrigente et réussissent (ils exécutent des sacrifices d'enfants, d'après les Romains). Mais les Grecs prennent ensuite l'avantage : Denys l'Ancien prend Motyé.
A partir de -397 et jusqu'à -367 : 30 ans d'anicroches entre Denys l'Ancien (tyran de Syracuse) et des généraux carthaginois.
-346 : toujours à Syracuse, Timoléon devient tyran, fait la guerre pendant dix-sept ans.
-329 : paix signée avec Timoléon.
-316 : Agathocle devient tyran de Syracuse. Issu du peuple, roi "progressiste" avec un programme de réforme agraire qui l'amène à massacrer une partie des élites pour redistribuer leurs possessions. Politique de conquête sur l'ensemble de l'île. La résistance carthaginoise est féroce : bataille d'Ecnome en -311. Agathocle va s'attaquer à la ville-mère, avec 60 vaisseaux et 14 000 soldats, débarque [color=#d4cdcd]au cap Bon, fait brûler toute sa flotte pour encourager ses hommes. Il avance rapidement, fait tomber plusieurs cités, menace la Byzacène, Utique, le cap Bon, prend des soldats en Cyrénaïque ; le danger est maximal pour Carthage. Il rentre en Sicile avec 2000 hommes en y laissant son fils ; mais les armées sont dépourvues de leur chef, loin de leur base, et il perd sa position de force. Carthage reprend l'avantage à ce moment-là.
-307 : clôture de l'expédition et signature d'un traité de paix.
-289 : Agathocle meurt empoisonné par son petit-fils.

Les lamelles de Pyrgi sont texte à la fois en punique et en étrusque (religieux, au sujet de la construction d'un temple) du -VIème siècle, qui montre que les relations étrusques-carthaginois nécessitaient des traductions. Deux thalassocraties s'allient pour en éliminer une troisième. Deux zones, axe commercial.

-509 : plus de rois étrusques : Rome domine l'Italie, elle passe des traités avec Carthage (d'après Polybe).
-348, -279 : autres traités rédigés dans le même esprit. On définit jusqu'où chacun a le droit d'aller. Texte écrit en grec, que Polybe a lu en latin. Les Romains ont le droit de naviguer jusqu'au Beau-Promontoire (cap Bon ? cap Farina ?) et pas au-delà, pas jusqu'aux golfes des Syrtes que Carthage considère comme étant sa zone privilégiée. Pas de Romains à Byzacène et jusqu'à Cyrène. Beaucoup de défenses sur cette côte au -VIème siècle.
-> L'empire carthaginois c'est la Sardaigne, l'Afrique, une sphère d'influence également. Mais pas la Sicile.


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Message par Lucy Austen Lun 27 Mar - 18:16

b. L'Afrique et au-delà.

Carthage est implantée sur le rivage est de l'Afrique, qui correspond à la Libye actuelle, appelé dans l'Antiquité rivage des deux-Syrtes, ou Cyrénaïque. Il comprend le golfe de la Syrte mineure et le golfe de la Syrte majeure. Il est semé de fondations anciennes, avec Hadrumète, Thapsus et Leptis magna, qui sont des comptoirs phéniciens, mis en place dès le -VIIème siècle, et aussi d'empories. Les Grecs souhaitent s'établir aussi, pour bloquer l'avancée carthaginoise, d'où la fondation de Cyrène vers le -VIIème siècle. Mais à la fin du -VIème siècle, le Grec Dioreus, originaire de Sparte et fils puîné du roi, entreprend de fonder sa propre ville à une vingtaine de kilomètres de Leptis Magna, sur un oued. Il la nomme Cinyps, et elle n'est pas vue d'un très bon oeil ni par Cyrène, ni par Carthage ; cette fondation est insolente. Les luttes durent environ trois ans, au cours du -Vème siècle. Finalement, Carthage établit sa zone d'influence, et la délimite clairement avec l'"autel des Philènes", borne qu'on ne peut situer archéologiquement ni géographiquement. Elle fait référence également à un mythe étiologique, raconté par Salluste.
Comment Carthage et Cyrène ont fixé leurs frontières : affrontement de deux coureurs carthaginois contre deux coureurs de Cyrène, partant chacun de leur ville. Le but est de courir très vite, et la frontière est établie au point de la rencontre. Les frère Philène, de Carthage, courent très bien, et sont accusés de tricherie. On leur propose donc de sacrifier leur vie pour maintenir la frontière à l'endroit de leur arrivée, et ils acceptent. Aujourd'hui on ne connaît pas ce bornage (on n'a pas non plus de confirmation du récit), mais il est fixé à la fin du -VIème siècle et respecté ensuite.

Carthage s'étend (Thapsus, etc). Ce littoral, qui correspond à la Byzacène (très riche), est marqué par la présence de forts : volonté de surveiller la situation maritime. Ile de Djerba, île tunisienne du côté de la petite Syrte entourée de nombreux récits légendaires, conquise par Carthage au -IVème siècle, et identifiée comme l'île des lotophages de l'Odyssée : mangeurs de lotos, plante qui fait perdre la mémoire.
Côté occidental : rive nord dans la proximité immédiate de Carthage et jusqu'aux colonnes d'Hercule. Côte des "échelles puniques". Sites phéniciens repris par Carthage ou carthaginois, équivalents des empories à l'est. Utique, anciennement essentielle ; Hippo Diarrhytus, aujourd'hui Bizerte, arrière-pays très dynamique de la ville ; ils s'enchaînent ensuite de manière régulière : tous les 30 ou 40 km, excepté quand le site pose problème. Hippo Regius, Rusicade, Tipasa (60 km de la ville d'Alger), Iol, Mersa Madakh, Rachgoun, Chullu. Sites qui permettent aux puniques de faire marcher leur commerce de cabotage.

Deux grands voyages : périple d'Hannon et voyage d'Himilcon. Il s'agit de preuves moins concrètes de l'influence de Carthage. Ils ont repris la réputation de marins des Phéniciens et l'ont consolidée. Ils se montrent capables de dépasser les colonnes d'Hercule. Hérodote en fait mention également : les navigateurs puniques s'aventuraient au-delà des colonnes d'Hercule pour commercer avec des indigènes et récupérer de l'or. Ils seraient descendus jusqu'aux littoraux mauritanien et sénégalais. Légendaire périple d'Hannon, qui fait débat chez les historiographes : -VIIè, -Vè, -IIIè siècle ? Problématique. On s'accorde plutôt sur la date intermédiaire. Carthage aurait confié à Hannon une expédition dont le but était de fonder de nouvelles colonies au-delà des colonnes d'Hercule. Demande publique de Carthage, qui aurait fait connaître le projet à la population. Les historiens se basent sur Pline l'Ancien, sur un manuscrit en grec retrouvé en Allemagne au Moyen-âge. Reconstitution supposée de son voyage jusqu'au golfe de Guinée et au mont Cameroun. Projet extrêmement ambitieux, Hannon serait parti avec 60 navires et 30 000 personnes. Mais l'archéologie ne permet pas de valider la présence de sites puniques jusqu'au mont Cameroun. Si on est moins optimiste et qu'on arrête le périple d'Hannon aux îles Canaries, il devient plus probable et se raccroche aux informations d'Hérodote. Ce voyage a été "médiatisé" : il a été traduit en grec, la langue de traduction internationale, et diffusé. Culture de la publicité, prise de risques. Démarche volontaire de Carthage en mêlant le réel à la fiction, au légendaire, dans les récits : cela lui permet de se faire de la publicité tout en masquant les informations essentielles et de se protéger des autres puissances.
Le voyage d'Himilcon est seulement économique, avec la mission d'aller chercher de l'étain : contournement de l'Espagne, vers les îles Oestrymnides. S'agit-il de la Cornouaille, de l'Irlande, de la Galice ? On connaît ce voyage par la traduction grecque d'un texte latin du IVè siècle, dont l'auteur aurait eu accès à des sources puniques. Même principe de large diffusion.

Cette conquête du littoral africain montre que Carthage s'affirme comme une thalassocratie militaire et commerçante. Traités, voyages. Métropole dont la puissance se fonde sur la capacité à maîtriser les échanges, sur l'au-delà, ce qui est différent d'autres cités, qui se concentrent d'abord sur une assise territoriale. Les négociants, armateurs, navigateurs ont une place importante, ils sont l'aristocratie. Ils exécutent un commerce de redistribution de produits qui ne sont pas uniquement leurs propres exportations.

Navires. Il y a toujours un équivalent du gaulos pour le commerce, mais les hippos ont évolué. Ce sont désormais des navires de transport ou de pêche : ils se rangent désormais dans la même catégorie que les gaulos, en tant que navires plutôt commerciaux.
Nouvelles unités de marine militaire, donc. Navires d'attaque, navires destinés à préparer l'attaque. (ex : arisos, petites unités mobiles à vocation d'information.) Transport de troupes, organisation. Outils d'abordage (détruire l'unité adverse et permettre le combat au corps-à-corps). Deux unités, surtout : la quinquérème (= pentère) et la trirème.
- Quinquérème : navire ponté, pouvant contenir 300 personnes. "quinquérème" parce que les rameurs y sont cinq sur un rang. On les supposait verticaux : problèmes d'équilibre du navire et de manipulation des rames cependant : on suppose donc deux bancs légèrement décalés, deux et trois.
- Trirème : trois rameurs sur un rang. Superposition : tout en haut les thranites, et en-dessous, dans la coque, les zeugites et les thalamites.
La quinquérème est le navire le plus prestigieux. Ils portent rarement des voiles. Cela viendra plus tard, avec la galère. Ces vaisseaux sont compliqués à manier, et les historiens ne sont pas sûrs de leur fonctionnement.
Epaves de Marsala, trouvées dans les années 60 : navires jumeaux, ni des pentères ni des trirèmes, de petite taille, pour 70 rameurs (-> arisos).
Dans l'Antiquité, on fait la quille, l'avant et l'arrière, l'étrave ; on fait d'abord la coquille et ensuite on consolide la structure et on l'étanchéifie au goudron.

Rome n'est tout d'abord pas une thalassocratie. Elle s'inspire des navires de Carthage et les espionne.


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Message par Lucy Austen Lun 27 Mar - 18:26

2. La conquête du territoire
a. La maîtrise de l'arrière-pays africain.

Carthage payait un tribut aux tribus locales, comme une sorte de location, chaque année à quelques exceptions près et jusqu'à la bataille d'Himère. Cette disparition va de pair avec le nouvel intérêt de Carthage pour son arrière-pays. Carthage taille sa chôra : c'est ce qui lui manquait pour ressembler à n'importe quelle cité. Les populations locales sont assujetties, cadastrées, économiquement exploitées (le territoire est fertile), de manière progressive. Le tout est probablement fixé au -IIIème siècle. Il s'agit de circonscriptions administratives et fiscales, d'où Carthage tire un impôt, ce qui explique le ressentiment des populations africaines.

- Première couronne de Carthage : Pagus Muxi (équivalent de la chôra, dont vient sans doute Hiarbas), Pagus Zeugei, cap Bon (= jardin de Carthage, dans le sens de verger, de potager).
- Territoires ayant fonction de frontières et d'interfaces : Pagus Thuscae et Pagus Gunzuzi.
- Troisième étape : la Byzacène.


Défenses de la ville. Les vestiges sont rares.
- Des fosses phéniciennes, dit-on, protégeaient le territoire punique.
- Avants-postes dans les terres : Sicca Veneria (Le Khef), Théveste. Elles sont des enclaves qui défendent la chôra mais sans mettre en valeur le territoire autour.
- Vigies, fortins sur le littoral, pas si efficaces puisque Agathocle les a détruits mais tout de même existants : Kerkouane, Hadrumète, Taparura.
- [color:1256=d4cdcd]Limes (= nom donné par les historiens modernes aux systèmes de fortifications établis au long de certaines des frontières de l'Empire romain), lorsque Carthage devient une colonie romaine, pour la protéger la colonie des Numides.

Le territoire carthaginois est relativement solide, il s'inscrit dans une zone d'influence plus grande et qui fait face aux populations locales qui elles-mêmes soutiennent les envahisseurs de Carthage (Agathocle, Regulus, guerre des mercenaires, et surtout deuxième et troisième guerres puniques). Il est donc moins solide donc que Rome. La fidélité des populations, à cause du joug de Carthage, est tout sauf exemplaire. La population autochtone n'a pas la citoyenneté, est politiquement inférieure, et subit des pressions militaires et fiscales. Il s'agit de l'interprétation probable, en tout cas, de cette absence de soutien.


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Message par Lucy Austen Lun 27 Mar - 18:39

b. La mise en valeur agricole.

Carthage s'affirme comme la première puissance agricole de la Méditerranée :
- La Medjerda, un cours d'eau puissant.
- Littoral très poissonneux ; région de Sfax réputée pour ses pêcheries, mais également ses vergers.
- Au nord, du côté de Bizerte : couverture forestière riche.
- Climat favorable à l'agriculture.
(oued : terme générique désignant un fleuve d'Afrique du Nord et des régions semi-désertiques à régime hydrologique très irrégulier.)
Outils agricoles.
- Araire, outil moins lourd que la charrue, pour labourer les sols légers et fragiles. Souvent attelé à des ânes, parfois à des boeufs.
- Tribulum ou "chariot punique" : planche de bois incrustée de pierres tranchantes. Il est tiré par un boeuf et supporte un poids lourd, souvent le poids de l'homme. Il est utilisé sur les javelles, les tiges de blé coupées, pour séparer les graines de l'épi ou de la tige (opération de battage qui peut être exécutée avec un fléau, par exemple).

La chôra est passée aux mains des élites carthaginoises. Le peuple est non-propriétaire, donc un métayer qui paye un loyer à part de fruit (= proportion de la récolte totale), ou bien un ouvrier agricole. Les esclaves sont soit fournis par des commerçants pirates, soit des prisonniers de guerre. La main-d'oeuvre est responsable aussi de l'instabilité et amène à la protection, à la fortification des demeures.
Le territoire agricole est un équivalent de la latifundia (= très grande propriété foncière aux mains d'un seul).

Production. On tient globalement les informations des amphores.
- Céréales, blé. Carthage et la Sicile sont des greniers à blé. Grande production locale avec un peu d'exportation.
- Vigne. Elle fait la renommée de Carthage, dans la région d'Utique et ????. Exportations jusqu'en Andalousie, jusqu'au littoral sud de la France, jusqu'en Grèce. Un vin est particulièrement réputé, le passitum, composé de raisins séchés au soleil, liquoreux. Il est produit pour l'exportation, en grande partie : à Carthage, il suscite des recommandations de santé publique et est interdit à certaines populations, notamment les magistrats.
- Huile (d'olive), produite en Byzacène : très grande exportation au -IIIè siècle.
- Fruits, vergers du cap Bon et de Byzacène. En particulier : amandes, figues. Production importante, d'où le Carthago delenda est : Rome peut-elle laisser une puissance telle aux portes de Rome ? Capacité de technique qui se manifeste dans le savoir-faire agronomique.

Magon le Carthaginois est connu pour son traité d'agronomie, un précis d'agronomie rurale. Quelques livres sur la quarantaine nous sont parvenus, grâce à la traduction en latin et en grec ordonnée par le Sénat, suite à la destruction de Carthage. Techniques d'élevage. Savoir-faire. On retrouve des allusions chez Pline, chez Varron. Les citations du texte nous en permettent une connaissance élevée.

Kerkouane est également une grande cité agricole du cap Bon. Sa qualité d'urbanisme, à travers la qualité des vestiges archéologiques, nous montre une richesse. Les maisons sont bien équipées, en particulier en hydraulique (sanitaires).
Second exemple, en Byzacène. Description de Pline l'Ancien. Libyphéniciens = population qui n'est pas de Carthage mais d'Afrique. Les vestiges funéraires montrent une opposition avec les rites des Carthaginois : par exemple, l'usage récurrent d'un fard rouge sur le corps des défunts en Byzacène, coutume qui n'est pas carthaginoise. Ils travaillaient donc dans ces zones.


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Message par Lucy Austen Lun 27 Mar - 19:08

III- La civilisation carthaginoise
1. La métropole carthaginoise
a. L'organisation de la ville.

La ville a été pensée par des urbanistes. En tout cas, elle donne une impression de cohérence dans son découpage, qu'on peut interpréter comme un plan d'urbanisme : voirie pratique, quartiers bien définis (artisanat, nécropoles...). Les rues sont en éventail. [La partie ****orthogonale.]

-VIè, -Vè, -IVè siècles de l'extension de Carthage :
- Agora qui faisait probablement la jonction entre la ville haute et la ville basse.
- Faubourg de l'autre côté des nécropoles : Neapolis.
- Plateau de l'Odéon, également nommé Mégara. Quartier d'habitations plutôt simples.

Du -VIè au -IIIè. Des phases d'extension urbaine. La ville se densifie, s'étale. On connaît ces changements grâce aux fouilles archéologiques, mais finalement peu, car ces vestiges se trouvent à Tunis. Trois auteurs la découvrent : Appien, Polybe et Strabon. Elle contenait 700 000 habitants d'après Strabon, sans doute beaucoup trop.
Division entre une ville base et une ville haute (colline de Byrsa) ; nécropoles ; espace de lagunes au sud exploité par la marine. Ce schéma se poursuit jusqu'au -IIIè siècle.
- La ceinture de nécropoles est respectée : la densification se fait d'abord sur le territoire déjà habité, et l'extension se fait au sud, au-delà des nécropoles.
- La rue est-ouest qui va vers la colline de Byrsa est une sorte de decumanus (= axe est-ouest dans un plan de ville romaine, par opposition au cardo nord-sud) et aboutit à une porte monumentale dans un mur, recouvert de stuc blanc, qui protège le rivage. Une trentaine de mètres séparent ce mur de la ville : espace vide, espace d'interface. Il est daté du -VIè siècle et disparaît ensuite.

Entre -IIIè et -146 : extension plus rapide, malgré la guerre avec Rome.
- Extension vers Mégara.
- Extension vers la bande de territoire laissée en friche jusque-là.
- La porte monumentale disparaît. Ces trente mètres sont investis pour l'élite carthaginoise (maisons grandes, élaborées).
- Densification de l'habitat sur la colline de Byrsa : urbanisme plus souple (différentes figures de quartiers, de maisons), plus hétérogène. -146 : une citadelle sert de résistance jusqu'à la toute fin. Destruction en -29 sur le sommet. Les habitations en-dessous, au niveau de la pente sud de la colline, sont enfouies sous les débris, ce qui les a comme fossilisées, mais tout ce qui se trouvait au sommet de la colline nous a échappé, notamment le temple d'Echmoun.
- Quartier d'Hannibal, doté de rues relativement larges (5 mètres) en terre battue, avec un système de tout-à-l’égout. Il témoigne de l'élaboration du plan d'urbanisme. Exemple de la maison 4 de l'îlot C. Une seule entrée, un grand couloir, une cour avec un puisard (= installation permettant de récupérer les eaux pour les évacuer) personnel pour recueillir l'eau de pluie, les pièces pour la vie quotidienne, une salle de réception. 75 m² en tout. Il y avait peut-être anciennement un étage. L'absence d'aqueduc à Carthage nécessite le stockage d'eau par chacun au moyen de citernes. On ne sait pas où vont les eaux usées.

Défense. Cette ville constituée d'un gros noyau urbain, de faubourgs, est protégée par une enceinte fortifiée (très classique) très large, qui protège les habitants, les espaces publics, et toute une partie de l'agriculture, des vergers. 30 km de long. Mais certaines sont modestes, ce sont les textes qui nous parlent de cette enceinte. "Mur triple" d'après Appien : comprendre, système à trois défenses.
- Fossé
- Colline avec palissade grâce à l'excavation de ce fossé
- Rempart en pierre suffisamment grand pour stocker des choses et des gens (garnisons, éléphants, chevaux)
Il n'est triple que sur une partie de sa longueur ; le dispositif est plus simple dans les endroits difficiles d'accès.

Problème épineux : Carthage a un port, mais on a du mal à trouver des traces de ports entre Elissa et les -IVème, -IIIème siècles. Nous n'avons que des traces modernes, nous ignorons tout des ports archaïques. Plusieurs suppositions : il y a peut-être eu un urbanisme par-dessus le port archaïque, il n'y avait peut-être pas d'installations en dur (on aurait tiré au sec).
La port de guerre peut accueillir 200 navires. Môle central : l'îlot de l'amirauté. Accueil de vaisseaux en cale sèche pour les réparations. Il est doté d'une trentaine de cales sèches, et de cent trente à cent quarante cales en eau.
Le port marchand, de forme rectangulaire, débouche sur la mer libre après une lagune. Système de terre-pleins ouverts sur la mer, avant-port -> môle. Preuves du statut de thalassocratie de Carthage.

Cothon : aménagement portuaire artificiel, en phénicien. Cothons attestés par l'archéologie. Rachgoun, Hadrumète, Mandia, Corinthe, Kition, Tezirat, Motyé, Amathonte, Phalasama... Profondeur supposée faible, de 2,5 mètres. Peut-être des vigies. Facile à bloquer.


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Message par Lucy Austen Lun 27 Mar - 20:52

b. Les structures politiques carthaginoises.

Sujet qui fait débat. Il est impossible de faire l'histoire de la vie politique de Carthage en dehors de ses rapports avec Rome : on n'a pas d'archives, les Grecs et les Romains expriment les choses d'après leurs propres concepts, et l'archéologie ne nous est quasiment d'aucun secours.
L'onomastique simplifiée, constitue une entrave : cet Amilcar est-il le même que celui dont on parlait justement ?

Aristote (-385; -323) dresse un portrait des institutions de Carthage au -IVè siècle. Chez les autres auteurs, il s'agit seulement d'allusions. Histoire difficile, qu'on récupère par bribes. Il est impossible de fournir une généalogie de Carthage : la succession est à trous, clairsemée. Seule information de quelqu'un qui aurait gouverné Carthage donnée par Justin, livre 18 : Malchus, ~-556; ~-550. Autre nom : Mazeos.
Etude du document. Malchus est "dux" = général d'armée. Général carthaginois qui a échoué en Sardaigne et résiste à l'exil du Sénat en assiégeant Carthage et en faisant un coup d'Etat. Karthalon, son fils, lui désobéit en refusant de rejoindre immédiatement ses assiégés, préférant s'occuper d'abord de ses obligations religieuses. Malchus est blessé, et le punit pour désobéissance au chef ("imperator") en le clouant sur la croix. Il prend la ville et tue dix "sénateurs". Malchus finit exécuté. Justin est le seul à nous le raconter.
Soit cette histoire est vraie, auquel cas Justin parle bien d'un "dux" et d'une succession politique, avec des vrais personnages. Soit cette histoire est un récit anthropologique, qui permet de comprendre le fonctionnement de la société. Malchus serait la façon dont Justin comprend MLK (= roi, chef, dignitaire), avec la notion de sacrifice princier.
On ne peut pas se fier aux historiens gréco-latins.

Deuxième mystère de la vie politique à Carthage : les Magonides étaient-ils des rois ? On emploie les termes de "rex", de "basileus", et Hamilcar est déclaré roi, d'après ????. Chez Justin, la notion de "rex" n'est pas aussi institutionnalisée qu'on pourrait le penser : mention d'éimperator", "ducibus", "dictaturae". Tous ceux qui occupent la magistrature suprême le font en vertu des lois, d'après Diodore. Voilà les seuls arguments qui doivent nous permettre de trancher si les Magonides étaient des rois ou pas, si la constitution de Carthage concernait des rois ou pas. Aujourd'hui, on affirme que Carthage n'avait pas de rois, mais des suffètes : il s'agirait donc de magistratures électives. Et pourtant, on assiste à une succession dynastique. Ce n'est donc pas le sang qui fait la succession, mais la capacité à remporter les élections à chaque fois. L'hérédité se double d'un besoin de compétences. Ceux qui gagnent sont les meilleurs par la vertu, le mérite et la richesse. Justement, tous les rois nommés ont fait leurs preuves sur la terre et sur la mer. Les Magonides sont une famille compétente et puissante économiquement, supposément issue du milieu des armateurs ; ce sont eux qui ont le capital pour faire fonctionner le réseau maritime. Il s'agit d'une famille charismatique. Himilcon II, qui part en Sicile en -396, assiège Syracuse mais est confronté à la peste et au typhus, et doit donc négocier. Il laisse une partie de son armée à Syracuse. Contraint à une pénitence publique, il se laisse mourir de faim.
Carthage a confié son destin à une famille puissante, charismatique, apte à faire d'elle une thalassocratie, et le suffétat est monopolisé par cette famille jusqu'à l'échec d'Himilcon vers -400. La succession est ensuite fluctuante.
On retrouve les mêmes difficultés avec Aristote.

Après -396 et Magon II, cette famille ne réussit plus à faire le consensus. Situation difficile : l'échec en Sicile de Himilcon II rejaillit sur Magon. La succession n'est plus limitée à ce contexte familial.
Les Hannonides font partie d'une même cellule familiale élargie, mais on ne peut pas considérer qu'il s'agisse d'une nouvelle dynastie. En effet, le pouvoir exécutif est contrebalancé par d'autres pouvoirs : on se rapproche davantage d'une oligarchie. Hannon le Grand (~-367), "princeps" d'après Justin, est un exemple de dirigeant appuyé par certaines élites, certains groupes d'influence (équivalents des sissyties, en Grèce, banquets pour fédérer le groupe). Il met en valeur sa compétence militaire en Sicile, contre les tyrans (Denys l'Ancien). Sociabilisation. Hannon trouve une figure d'opposition en Suniatus, qu'il écarte : naturellement avec ses victoires et efficacement en supprimant une partie du Sénat au Conseil des Anciens. Il convie en effet le Sénat au banquet de mariage de sa fille et tente de les empoisonner, échoue, s'entoure d'une milice pour commettre un coup d'Etat, échoue encore, se fait crucifier par le peuple. Toute sa famille est massacrée, sauf son fils Giscon,  seulement exilé.
Les structures sont suffisantes pour empêcher un tyran de s'emparer du pouvoir, même quelqu'un comme Hannon. On le voit une deuxième fois avec Bomilcar, -309 ;-308, dernier "exemplaire" des Hannonides. Bomilcar fait partie des deux généraux qui affrontent Agathocle, il s'illustre face à lui, et profite de la mort du deuxième pour tenter d'instaurer une tyrannie. Il est pris, torturé et crucifié : le peuple carthaginois résiste. Ses institutions fonctionnent et permettent de conserver un pouvoir oligarchique, ou démocratique selon la période, et d'éviter la tyrannie.

Nous en avons une connaissance très éclatée mais avec quelques points forts.

• Le pouvoir exécutif : quel serait le bon terme pour le désigner, et pour désigner ses dirigeants ? On choisit ceux de suffétat, de suffète. Deux d'entre eux se voient confier chaque année le pouvoir exécutif. Ils possèdent donc un pouvoir de commandement important, assumé partiellement par les Pentarchies également, d'après Aristote (certaines commissions de peut-être 5 ou peut-être 10 personnes qui gèrent un domaine particulier, comme le culte ou le choix des magistrats).
Les suffètes ont des fonctions larges :
- municipales : gestion de la vie de la cité, convocation des différentes assemblées et présidence de ces assemblées.
- sacerdotales, dans la mesure où la religion a un rôle politique : dans la cérémonie de Melqart, liée à Tyr et à l'histoire de Carthage, le suffète exécute le rite de l'éveil ou cérémonie de l'egersis ; Melqart est considéré comme un dieu qui meurt et renaît, et le suffète est chargé de le ressusciter. Dimension spéciale.
Cela ressemble aux consuls romains, excepté que ceux-ci donnent leur nom à l'année et sont chargés d'un rôle militaire, dont s'éloignent peu à peu les suffètes.

• Le pouvoir législatif est détenu par le Conseil des Anciens (Sénat) et par l'Assemblée du Peuple.
- Conseil des Anciens : on a des indices de leur existence déjà dans le mythe d'Elissa. Elle part en effet avec des "senatores" ; le Conseil des Anciens est donc une des premières institutions de Carthage, voire la première, peut-être. 200, 300 membres peut-être, issus de la haute aristocratie, qui ont un rôle important dans la politique étrangère (entrée en guerre et sortie de guerre, législation, budget). Il interdit l'apprentissage du grec à Carthage pour éviter la collusion avec l'ennemi sicilien (comme l'a fait Suniatus). C'est l'interaction des Anciens avec les suffètes qui fait l'essentiel de la vie politique à Carthage. Ils ont le plus grand rôle.
- L'Assemblée du peuple repose sans doute sur l'octroi de la citoyenneté. Elle est convoquée par les suffètes et intervient en cas de blocage entre les deux : elle peut formuler des contre-propositions, valider le choix des généraux (-> elle entérine la décision du Conseil des Anciens). D'après Polybe, si Carthage a perdu, c'est parce qu'elle a laissé trop de place au peuple au fur et à mesure des ans.

• Le pouvoir judiciaire est incarné par le tribunal des Cent-Quatre, chargé de la surveillance de la vie politique de la Cité (structures politiques et militaires) pour moraliser la vie politique et la préserver de la corruption. Il existerait depuis le -IVème siècle. C'est l'équivalent de notre tribunal administratif. Pour les autres affaires, ce sont des tribunaux privés qui sont sollicités.
L'ensemble de ces fonctions repose sur un processus électoral, à durée déterminée. Certaines institutions prennent le pas sur les autres selon les circonstances, ce qui démontre une souplesse de la structure : la Constitution est adaptable, étant donnée la brièveté des mandats. Tendances oligarchiques (supériorité du Conseil des Anciens) ou démocratiques (supériorité de l'Assemblée du Peuple) selon les époques. Importance de la vertu, du mérite dans le choix des représentants ; importance de la richesse également.
Aristote fait référence au Conseil des Anciens par le mot de Gérousia. "Magistrature des Cent" désigne le tribunal des Cent-quatre. Il mentionne également l'assemblée du peuple : le demos a une possibilité d'action.
Ce système aurait existé au moins depuis le -Vème siècle.

• Fonctions administratives, fiscales : comptables, scribes.

• Sorte de police des moeurs, également, nous dit Cornelius Nepos : préfet des moeurs.


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Message par Lucy Austen Lun 27 Mar - 21:26

2. L'identité culturelle carthaginoise
a. La religion, ciment de l'empire.

Carthage a essaimé tant vers la Cyrénaïque que vers le Maroc. Le point commun, l'unité de tout cet ensemble, sont le partage d'une certaine spiritualité.
Panthéon carthaginois. L'État est imbibé de références cultuelles et religieuses. On connaît bien la religion carthaginoise : on croule sous les références grâce à l'archéologie, liées au tophet ou présentes sur n'importe quelle stèle. Mais on a beau connaître les noms et la hiérarchie divins, on ne connaît pas la religion vécue ni les croyances au sujet de la vie après la mort (eschatologique).



xxxBaal HammonTanitMelqartBaal SaphonBaal HaddadDéméter et Coré
Nom puniqueHMNTNTxxxxxxxxxxxx
Correspondance avec le Panthéon grecCronosHéraHéraclèsPoséidonArèsxxx
Siècle d'apparitionxxx-Vème sièclexxxxxxxxx-IVème siècle
FonctionProtection ; feuFécondité, prospéritéMouvement, expansionDieu de la merDieu de la guerreDéesse de l'agriculture ; Déesse des enfers
CoiffeTiarexxxCoiffe côniquexxxxxxxxx
Posture (dans les représentations)Sur un sphinx ; en bénédictionSous forme de silhouette styliséeAssis, debout, en actionxxxxxxxxx
ArmeLancexxxLance, massuexxxxxxxxx
ProtectionxxxxxxPagne, peau de lion (-> leonté)xxxxxxxxx
Autre attributBarbe (-> maturité)xxxxxxxxxxxxxxx
Baal Hammon est le dieu principal du panthéon carthaginois, on trouve des milliers de références à lui. Il est présent également dans l'univers de Tyr. Réflexions sur le radical de HMN : soit une référence à un mot signifiant chaleur, soit une référence au Mont Amanus (golfe d'Alexandrète au nord du Liban), soit une référence à une localité près de Tyr, soit une référence au dieu Amon égyptien. La plus probable semble être celle du mot chaleur. Rituels impliquent un brasier (sacrifices rituels, crémation). Les interprétations sont toujours en réflexion.
Dieu du secours, du recours. Diodore de Sicile : au nom de Baal Hammon, on peut avoir fait à Carthage des sacrifices extrêmement ambitieux, de plusieurs centaines de fils de bonne famille. "200 enfants choisis parmi les familles les plus illustres". A l'occasion du danger d'Agathocle, par exemple. Dieu de la protection, de la régénération.

Tanit. En réalité, elle s'appelle plutôt Tinnit. Souvent associée à Baal Hammon, avec qui elle forme un tandem de divinités. Sur les stèles : "face de Baal" -> en face de Baal. On peut aussi la trouver conjointement avec Astarté ; elle vient souvent en premier dans la déclamation.

Melqart. Dieu important mais moins représenté que Tanit et Baal Hammon. Rapport avec Tyr sans dupliquer Tyr. A l'opposé du dieu calme et protecteur qu'est Baal Hammon. Il est représenté parfois avec Astarté et parfois avec des dieux plus minoritaires. Il fait partie du quotidien des Carthaginois sous une forme abâtardie, notamment avec sa présence dans l'onomastique. Porosité autour de la vie politique et de la vie religieuse (cérémonie de l'egersis).
Sur la stèle d'Amrit : coiffe, pagne, représentation presque égyptienne. Iconographie orientalisante et plus variée que celle de Tanit.

Collection d'autres dieux, très peu attestés par rapport à ces trois autres, mais un texte (traité entre Annibal et Philippe V de Macédoine) avec une prestation de serment invoque ces dieux mineurs (cf chapitre 2).

Panthéon relativement conservateur, hiérarchisé comme n'importe quel panthéon. Les divinités viennent du passé très ancien et de Tyr. Mais il est évolutif : on intègre des divinités emblématiques d'autres îles de la Méditerranée, notamment de la Sicile : Demeter et sa fille Korê/Coré, à partir du -IVè siècle.

Le clergé à Carthage : les prêtres ont des fonctions religieuses, mais peu de fonctions politiques. Nos informations sur eux sont minces. On sait que le culte est très important. Le pouvoir public influe sur les pratiques cultuelles : l'Etat carthaginois entend contrôler le culte, l'encadrer, le diriger, même s'il n'a pas de rôle actif. Il permet l'unification des Carthaginois mais aussi des Puniques en dehors de Carthage.
Les prêtres sont issus des familles aristocratiques. Les divinités religieuses se transmettent de génération en génération. Collège de prêtres, représenté par un seul individu, mais avec un chef dans chaque temple : pyramide hiérarchique. Ils s'occupent des sacrifices, mais ont aussi des fonctions économiques. Les sacrifices sont en effet rentables, ils représentent un budget et un patrimoine économique importants. On le voit sur le Tarif sacrificiel de Marseille (-IIIè siècle).
Personnel qui gravite autour de ces prêtres, agents techniques : les bouchers sacrés (mise à mort, préparation, dépeçage des animaux) font le lien entre la fonction sacerdotale et la fonction profane. Fonctions techniques dédiées à l'écriture : rôle joué par les scribes.

Architecture religieuse. Informations éparses sur les temples. Ils ne sont pas très différents des temples grecs : vestibule, pronaos (entrée), partie ouverte du temple ; cella ; entablement avec fronton, corniche, frise, architrave, chapiteau.

Pratiques quotidiennes. Les dieux se retrouvent dans certains prénoms : Hillesbaal, Bodtanit, Bodeshmoun. On n'a rien sur l'eschatologie punique (= façon dont on conçoit ce qui advient après la mort). On enterre les gens avec un dépôt funéraire. Le matériel funéraire révèle des clivages de société :
- Tombe aristocratique de Yada-milk : bracelets, bagues, luminaires, demi-oeuf d'autruche, vases, amphores.
- Tombe pauvre de Byrsa : assez dépouillée, mais on a toujours des amphores et des lampes.
- Tombe de la princesse de Kerkouane : Escalier, dromos, chambre funéraire de 2*2,4 mètres. Sarcophage anthropoïde en bois : visage féminin, seins, drapé.
-> La survie matérielle du défunt est assurée, jusqu'aux outils de toilette.
En plus des rituels d'inhumation, on sait qu'il y a aussi des rituels d'incinération. Coexistence entre les deux pratiques depuis l'origine ou presque ; cependant, vers les périodes plus récentes, il y a plus de crémations que d'incinérations. On suppose que c'est à cause du manque d'espace.

Stèle du prêtre à l'enfant. Pratiques de sacrifices humains (restes trouvés dans les fouilles). Le tophet est continuellement utilisé pour enfouir des amphores avec des restes brûlés. Stratigraphie du tophet : Tanit I (-750; -600), Tanit IIa (-600; -400), Tanit IIb (-400; -300), Tanit III (-300; -148). Stèles ou cippes (= stèle en pierre de forme carrée ou ronde, portant une inscription) enfouies pour signaler la présence d'amphores.
pratique rituelle du sacrifice humain (en punique) = molk.
sacrifice par substitution = molkomon.
Jusqu'à trois restes squelettiques, qu'on identifiait comme des chiens, des chèvres ; en réalité, il s'agit d'un, de deux ou de trois enfants. Les ossements animaux sont plus présents dans les strates anciennes et moins dans les strates récentes. Au cours du temps, on observe que le sacrifice de substitution diminue et que l'âge des enfants augmente. Anciennement : nourrissons, mort-nés, jusqu'à 5 mois ; récemment, enfants de 1 à 3 ans.
- Explication par la démographie. Tanit I : ville qui n'est pas sûre d'elle et de sa démographie, qui s'applique donc à sacrifier plutôt des animaux. Elle peut se le permettre plus tard (peut-être même régulation ?).
- Explication politique : la période d'hypertensions correspond à Tanit IIb et à Tanit III : plus le danger est grand, plus on sacrifie ?
- Explication économique : tous types de familles sont sacrifiées, modestes comme élites. Le sacrifice des enfants serait une solution à la dispersion des patrimoines en héritage comme un débarras des bouches à nourrir. Les deux premières explications sont cependant plus probables.
- Autre explication. Et si le tophet était un cimetière et pas une aire sacrificielle ? Une nécropole dédiée aux enfants ? Cette pratique ferait donc partie de l'eschatologie punique. Enfants mort-nés, enfants morts de maladie. Pratique spéciale, de vouer ses enfants aux dieux en passant par le feu (Baal Hammon) ? Cependant, cette hypothèse ne résout pas la question des animaux ni l'hétérogénéité des âges.

Aucune trace dans une autre civilisation. Cette pratique montre une soumission extraordinaire à la divinité.


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Lucy Austen

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Carthage, premier chapitre. Empty Re: Carthage, premier chapitre.

Message par Lucy Austen Lun 27 Mar - 21:49

b. Les influences de plusieurs héritages.

Ecriture punique. Confrontation à différents lieux et à différentes époques.
La langue punique n'est connue que par les stèles (on dénombre plus de 7000 inscriptions puniques), souvent dédiées aux sacrifices. C'est une langue sémitique, comme l'hébreu, l'arabe. Elle se caractérise par la prédominance des consonnes (2-3 lettres).
Elle est issue du phénicien, sa langue mère : langue innovante, précurseur de la langue écrite méditerranéenne, qui inspire d'autres civilisations postérieures. C'est un alphabet, 22 signes pour des centaines de milliers de sons. Pratique pour les transactions, moins pour la littérature, d'où une évolution. Les Grecs s'emparent de l'alphabet. Particularités graphiques, possibilités de sons plus complètes. Jean-Jacques Barthélémy a décrypté l'essentiel du phénicien au milieu du XVIIè siècle, grâce à une cippe de Malte.
Le punique est une sorte de dialecte dérivé du phénicien. Succès de cette langue, qui se diffuse chez les Numides, se veut concurrentielle du grec mais n'est pas véhiculaire comme lui. Elle reste vivace même après -146, elle est encore parlée, mais elle se transforme, devient moins géométrique, plus cursive, donc plus difficile à comprendre. Elle incorpore du latin. Bibliothèques confiées aux Numides, traductions perdues. On ne sait rien sur la littérature punique. Contenait-elle des livres en grec ? (le précepteur d'Hannibal, Sosylos, est grec). Saint-Augustin et Salluste considèrent que la littérature punique était très importante, que leur bibliothèque était peut-être comparable à celle d'Alexandrie (-IIIè) ou que celle de Sardanapale à Ninive (-VIIè).

L'art punique est capable de faire la synthèse entre les influences grecques et orientales (égyptiennes). C'est un art métissé.
Artisanat très développé. Ouverture artistique qui se traduit dans leurs monuments mais aussi dans leur manière de ramener des oeuvres d'art d'autres territoires comme la Sicile.
Stèles, cippes : silhouettes de temples schématisées. Les pierres sont du grès, excavé à proximité de Carthage (falaises sur le cap Bon) et probablement acheminé par voie maritime. Pierre facile à travailler mais friable, qui nécessite un stucage (= enduit fait à base de chaux) comme couche protectrice face aux intempéries.
Architecture très peu monumentale : les guerres puniques ont tout détruit, mais il semblerait que les Phéniciens/Puniques fassent également moins de grands monuments que les Romains (à vérifier dans l'avenir).
Accumulation des métissages assez particulière dans la Méditerranée. Corniches à gorge égyptienne, arquées. Style dorique, ionique, corinthien, mais aussi ordre éolique, avec des rotondes sommitales. Naïskos de Thuburba Majus : reproduction d'un petit temple qui sert d'ex-voto. Style ionique sur les colonnes de devant, ordre éolique sur celles de derrière.
Le Medracen, véritable monument. -IIIème siècle. En Algérie, donc pas dans le cap Bon. Monument funéraire avec une terrasse dotée d'une allée disparue. ~30 mètres, avec un diamètre d'environ 60 mètres ; socle cylindrique sur lequel a été érigée une pyramide à 23 gradins. Série de colonnes tout autour du socle cylindrique, de style dorique, qui supportent la corniche. Entrée aménagée à la hauteur du troisième gradin, escalier qui descend à l'intérieur de la structure. La vraie porte (il y en a des fausses) est coulissante. Galerie renforcée de poutres en cèdre et décorée d'un enduit rouge, qui mène à un caveau, et à une urne d'incinération. C'est le mieux préservé et le plus important de tous les monuments.
Mausolée de Dougga, fin -IIIème début -IIème. Dougga est une localisation tunisienne, au coeur de l'empire carthaginois. Bâtiment construit pour honorer la mémoire de quelqu'un : il ne s'agit pas d'un tombeau. Erigé pour un prince ou chef numide, pour les populations autochtones. Mausolée construit par un maître d'oeuvre, par un architecte carthaginois. C'est un exemple de plus de la porosité culturelle entre Carthaginois et Numides. Etage inférieur : podium à gradins. Supporte un bloc avec des pilastres (décorations de coins) qui portent l'ordre éolique. Nouveau podium, de trois gradins, qui portent des colonnes ioniques, avec au-dessus une corniche ouverte vers l'extérieur (gorge égyptienne). Sculptures de cavaliers. Le troisième étage est plus complexe, sculpté sur chaque face. Pyramide, sculptures aux quatre coins extrêmement abîmées mais qui pourraient être des sirènes. Monument assez archaïque pour le -IIIè siècle, ultra-classique dans son répertoire iconographique. Monument en forme de tour : une pratique plus orientale que grecque.[/color][/color]


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Message par Lucy Austen Lun 27 Mar - 21:51

Conclusion

Carthage au -IIIè siècle est une grande puissance économique, politique, culturelle, territoriale, qui affirme son originalité et qui peut se prévaloir d'une position hégémonique en Méditerranée. Ce n'est pas un ennemi parmi tant d'autres pour Rome. Elle est en position d'un savoir-faire maritime considérable.
Confrontation entre une métropole du nord et une métropole du sud de la Méditerranée, avec des forces et des faiblesses (mercenaires qui constituent l'armée carthaginoise). Les guerres puniques arrivent une fois que Rome et Carthage ont éliminé tous les autres leaders potentiels de la Méditerranée.

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